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Channel: PARIS-LOUXOR » Quartier
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LE GRAND COUSCOUS #3

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Nous vous proposons de participer au dernier GRAND COUSCOUS de la saison, le nouveau rendez-vous convivial autour des ami(e)s, de l’équipe et des projets de PARIS-LOUXOR.

PARIS-LOUXOR organise des rencontres régulières avec la population (pots de rencontre, apéros, présence sur les marchés, projections etc.) et invite, celles et ceux qui le souhaitent, à partager un verre, s’informer, soutenir et/ou participer à ses projets. La prochaine rencontre avec l’équipe de PARIS-LOUXOR se tiendra le 6 juin (sur inscription, nombre de places limité). Si vous ne participez pas au dîner, vous pouvez toutefois nous retrouver pour prendre un verre à partir de 22h.

Rendez-vous au COUDE À COUDE, 17, rue Custine Paris 18e

S’informer, soutenir et participer aux projets de PARIS-LOUXOR (ici).

Pour vous inscrire, utilisez le formulaire ci-dessous ou suivez ce lien (ici).

COMPLET

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De 19h30 à 21h30

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BARBÈS REMIX

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DÈS 19H00, jeudi 5 juillet au Divan du monde (18e). Entrée libre.

En partenariat et avec le soutien de la Mairie du 18e, ARTE actions culturelles, Télérama et le Divan du monde. (liens cliquables)

BARBÈS REMIX

MUSIQUE/MODE/PROJECTIONS/PHOTOGRAPHIE/ÉCHANGES
+ Rencontres autour du Louxor et des cinémas de quartier

Barbès embrasse le monde et fête le Louxor ! PARIS-LOUXOR organise une rencontre conviviale et festive avec les Parisien(ne)s, les habitant(e)s du quartier du Louxor (9, 10 et 18e), les cinéphiles, les amateurs/trices de mode et de musique, destinée à partager avec les habitant(e)s une programmation artistique révélant la diversité et le dynamisme présent autour du Louxor. Salle de cinéma construite en 1921 en cours de réhabilitation par la Ville de Paris. Imaginée comme un marché, la soirée BARBÈS REMIX se répartie sur deux niveaux (en salle, sur scène et à l’étage sur la mezzanine) où chacun pourra participer, découvrir, échanger, déguster… et danser.

MUSIQUE & IMAGE

STAYCALM! Cinematic Sound System (DJ/VJ live)
Retour à #BarbèsTropical, Invités pour la deuxième année consécutive, les VJs Italovideo et Hutchinson, le DJ Stansmith habilleront en direct, en images et en son, la soirée BARBÈS REMIX d’une ambiance tropicale et urbaine. Images tournées pour l’occasion, archives filmées du carrefour Barbès, et des cinématographies du monde. Une expérience visuelle et sonore imaginée et conçue le collectif Staycalm! + DJ Pat Shanga (A Man & A Machine) avec des interventions de XULY.bët, OLYMPE75018 et Jean-François Chaput (films 35 & photos) et de nombreuses surprises…

> STAYCALM! Production

OUSMANE KOUYATÉ Universal Groove (Concert live)
Ousmane Kouyaté, le « Prince de la kora » a grandi au sein d’une grande famille d’artistes et de griots guinéens et sénégalais dont les illustres Soundioulou Cossoko (le «Roi de la kora») et M’Bady Kouyaté. Kouyaté. Il donne son premier concert à l’âge de 9 ans devant des dizaines de milliers de personnes et participe par la suite aux tournées de Bah Cissoko. Il a notamment accompagné Matthieu -M- Chedid, Corry Harris, les Etoiles du Mandingue et collabore au Toukouleur Orchestra. Il sera accompagné de son groupe Universal Groove composé de Papus Diabaté à la basse et des percussionnistes Kounkoré et Ahmed.

> Ousmane Kouyaté & Universal Groove

Le concert sera accompagné des photographies de Stephan Zaubitzer, « grands écrans, cinémas du monde ». Il présentera une série consacrée aux salles africaines. Stephan Zaubitzer prépare actuellement son prochain périple à travers les Etats-Unis intitulé « Grands Ecrans, l’étape américaine ».

> Stephan Zaubitzer

A FREAK IN SPACE (Concert live)
Cyril Atef, Eric Lohrer et Hilaire Penda, trois musiciens d’exception reconnus sur la scène internationale feront danser Barbès ! A FREAK IN SPACE, suite logique du projet congopunQ, est né de la
rencontre de 3 musiciens hors pairs, Cyril Atef dit « bum », moitié percussive de Bumcello, Hilaire Penda, le magistral bassiste camerounais au groove féroce et Eric Lohrer, subtil guitariste de jazz en particulier. Complice de Princess Erika pendant plusieurs années, Cyril Atef a joué aux côtés d’artistes de styles différents comme Julien Lourau, Cheb Mami, Yves Robert, L’Orchestre national de Barbès, Brigitte Fontaine, Alain Bashung, Matthieu -M- Chedid, Nathalie Natiembé, Bernard Lavilliers, Gnawa Njoum Experience, Nathalie Natiembé ou encore Oshen. Il a réalisé dernièrement la musique du film VIVA RIVA du Congolais Djo Tunda Wa Munga.

> A FREAK IN SPACE

MODE

XULY.Bët Funkin’Fashion (Mezzanine + Scène)
XULY.Bët crée une mode à l’élégance démocratique, reconnaissable d’emblée grâce à sa marque de fabrique, la surpiqûre ou couture rouge, et l’étiquette apparente rouge et noire ou noire et blanche selon les pièces. Qu’il les habille ou les mette en scène dans ses collections, qu’il collabore avec eux sur des projets artistiques ou les invite à se rencontrer en scène ouverte lors de ses soirées « XULY.Bët Funkin’Club », ses échanges avec les artistes sont multiples. Neneh Cherry, Keziah Jones, Rossy di Palma, Janet Jackson, Laureen Hill, Wycleff Jean, Ayo, Magic System, FFF, Tété, Les Nubians, Gabrielle Lazure, Grace Jones… autant de personnalités qui se reconnaissent en XULY.Bët et l’ont adopté. XULY.Bët a choisi cette année d’installer son atelier de création à Barbès, quartier qui l’a inspiré dès ses toutes premières collections il y a vingt ans, notamment pour ses fameux « Sacs Barbès recyclés » vus sur les podiums de Paris à New York en passant par Séoul. C’est avec enthousiasme que le créateur de la « FUNKIN’FASHION » lui-même musicien et dont beaucoup d’artistes ont adopté la mode fluide et énergique, a répondu présent en participant à la programmation de la soirée BARBÈS REMIX organisée par PARIS-LOUXOR. VJaying et Barbès Studio Photo.

> XULY.Bët Funkin’Fashion

OLYMPE75018
(Mezzanine + Scène)
PARIS-LOUXOR donne carte blanche à OLYMPE75018 pour la soirée Barbès Remix . A cette occasion, la créatrice vous propose de découvrir son univers au travers d’une exposition de pièces de la collection «Chateau rouge», d’une performance inédite autour d’une robe intelligente © (broderie technolologique/QR code) et une collaboration en image avec le collectif Staycalm! OLYMPE 75018© place au coeur de sa démarche, une production “Made in Paris,” en multipliant les collaborations avec façonniers, artisans, brodeurs, fournisseurs et autres acteurs de la chaîne textile du 18ème arrondissement de Paris, afin de pérenniser et mettre en lumière ces savoir-faire précieux, héritiers d’une couture traditionnelle de haute qualité. Inspirée par une approche protéiforme de la mode, OLYMPE 75018© collabore avec des DJ’s, Vj’s, plasticiens, chorégraphes, vidéastes, sérigraphes, photographes pour réaliser des projets inédits, illustrant les univers des collections développés au sein de la griffe. Vjaying, performance mode interactive, expo. AVEC LES DJ/VJ Tom &Karina Junk – fod (micro movie Robe Inteligente ) Perf . Roula l’âme Gilete et Jana Viirma + Staycalm !

> OLYMPE75018

PHOTOGRAPHIE

BARBÈS STUDIO PHOTO (Mezzanine + Scène)
Réalisation de portraits à la manière des photographes de studio africains. Les participants pourront s’habiller avec les créations du styliste XULY.Bët et sont invités à venir avec un objet, un vêtement, un(e) ami(e)s etc. de leur choix. Les portraits seront projettés pendant la soirée sur l’écran de scène (VJaying) et diffusés en direct sur internet + liveTweet. Réalisé par BORIS BeastyBoz et les photographes invités.

LES CINÉMAS DE QUARTIER des années 80 (Mezzanine + Scène)
PARIS-LOUXOR a invité Jean-François Chaput à venir présenter ses photographies du Louxor (visibles actuellement sur les palissades du Louxor) et des salles de cinéma. Rencontre, échanges avec les participants et présentations de boîtes lumineuses. Ses films 35 mm sur le carrefour Barbès (1982) et les salles de quartier seront mixées dans le cadre du VJaying par le collectif Staycalm!

> Photos à consulter
> Exposition

ÉCHANGE

PARTAGER/SOUTENIR/PARTICIPER rencontre avec l’équipe de PARIS-LOUXOR, vivre ensemble le cinéma (Mezzanine)

Présentation de l’association et de ses activités. Prise de contact, échanges autour des projets, participation etc. Le Louxor, une salle de cinéma de quartier (son histoire, vos témoignages). Laurent Albaret, Laurent Laborie, Emmanuelle Lallement, Thomas Stoll, Alice Rivon, Céline Chertemps, Elise Vaugeois etc.

DÉGUSTATION

Dégustation de bières brassées à la Goutte d’Or par la “Brasserie de La Goutte d’Or”
(ouverture de la brasserie en septembre).

>La Brasserie de la Goutte d’Or


Contact communication/presse :
Pauline Jaffré (ici)

Liens :

Contact/info (ici)

Téléchargez l’invitation BARBÈS REMIX


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BARBÈS STUDIO PHOTO

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Cliquez sur PLAY pour lancer le diaporama et patientez quelques instants.
Sur les 4 flèches, en bas à droite, pour afficher le plein écran.

Retour sur la grande soirée BARBÈS REMIX qui a réuni, Jeudi 5 juillet dernier, 600 personnes au Divan du monde. Installé sur la mezzanine, le BARBÈS STUDIO PHOTO concocté par PARIS-LOUXOR avec l’amicale complicité de XULY.Bët au stylisme (e.a.) et de BEASTYBOZ à la photographie a rendu hommage aux photographes de studio africains comme Malick Sidibé, Seydou Keïta ou encore Ibrahim Sanlé Sory. Habitant(e)s du quartier, Parisien(ne)s, ami(e)s de PARIS-LOUXOR, Parisien(ne)s ont répondu à l’appel, dans la joie et la bonne humeur, pour fêter Barbès et le Louxor.

Soirée BARBÈS REMIX (ici)
Stylisme XULY.Bët (ici)
Photographie BEASTYBOZ (ici)

Soirée organisée par PARIS-LOUXOR avec le soutien de la mairie du 18e, ARTE Actions culturelles, Télérama et le Divan du monde.
BARBESSTUDIOPHOTO3

-Nous soutenir et nous contacter (ici)
-Sur Facebook (ici)
-Sur Twitter (ici)
-Se rencontrer. PARIS-LOUXOR organise régulièrement des rencontres avec la population du quartier, de Paris et d’ailleurs (Pots de rencontre, Grand Couscous gratuit, présence sur les marchés, rdv à la demande etc.). Consultez l’agenda (ici).

et/ou conctactez-nous (ici).

APÉRO PARIS-LOUXOR #3 : BARBÈS REMIX

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Retour sur la soirée BARBÈS REMIX organisée au Divan du monde le 5 juillet dernier, réunissant habitants des 9, 10 et 18e arrondissements, commerçants, cinéphiles, cinéastes, élus, responsables d’institutions culturelles, journalistes, artistes etc. Une soirée conviviale avec plus de 600 personnes autour d’une programmation festive et créative (cinéma, musique, photographie, mode, quartier, rencontres) et des projets de PARIS-LOUXOR.

En cours d’édition, de nouvelles photos et des vidéos seront proposées prochainement.

Cliquez sur PLAY pour lancer le diaporama et patientez quelques instants.
Sur les 4 flèches, en bas à droite, pour afficher le plein écran.

1 – Ouverture du set DJ/VJ autour du cinéma, du Louxor et du quartier Barbès. Avec le collectif Staycalm!
2 – Pendant l’apéro, notre charmante ouvreuse Vanessa va à la rencontre des participants
3 – Début du concert d’Ousmane Kouyaté « le Prince de la kora » & Universal Groove
4>12 – Projection des photos de S.Zaubitzer « Grands écrans, cinémas du monde » (Le Louxor accueillera une salle dédiée aux cinémas du monde)
13 – Suite de l’intervention DJ/VJ mix d’images tournées à Barbès au début des années 80 par JF Chaput et récemment par Staycalm! à Barbès dans le cadre de l’organisation de la soirée et de rencontres avec les commerçants et habitants
14>16 – Concert de A FREAK IN SPACE, 4 cosmonautes atterrissent sur la planète Barbès Remix, le Divan du monde s’embrase !
17>19 – Performance mode « La robe intelligente » d’OLYMPE75018 + Roula l’âme Gilete et Jana Viirma
20>22 – Lancé de ballons !
23>25 – Suite de la fête
26 – A l’étage, (Expos photos avec JF Chaput + modèles OLYMPE75018 + rencontres PARIS-LOUXOR) la mezzanine accueille le BARBÈS STUDIO PHOTO (ici) avec le grand créateur récemment installé à la Goutte d’or, XULY.Bët et BEASTYBOZ à la photo.

Photos : PARIS-LOUXOR

Retrouvez la programmation de la soirée (ici).


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BARBÈS REMIX

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Cinematic Sound System / Staycalm!

Retrouvez la programmation de la soirée (ici).


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Extraits. LaMomieAtzèque©RafaelPortillo, MotherIndia©MehboobKhan, ShootingBarbès©Staycalm!, OLYMPE75018, XULY.Bët, SamiaGamal, Foundfootage, BarbèsShooting©Staycalm!, Louxor83©JFChaput, BarbèsStudioPhoto©BeastyBoz

LE GRAND COUSCOUS #4

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PARIS-LOUXOR organise des rencontres régulières avec la population (pots de rencontre, apéros, présence sur les marchés, projections etc.) et invite, celles et ceux qui le souhaitent, à participer à ses projets. Tous les deux mois environ, l’équipe de PARIS-LOUXOR et le Coude à coude vous proposent une soirée conviviale autour d’un couscous. Sans discours, ni trompette, LE GRAND COUSCOUS est une sympathique occasion pour se retrouver, se rencontrer, échanger, trinquer au cinéma, au quartier, au Louxor et à tout ce que vous voudrez.

Ouvert à tou(te)s, sur inscription (nombre de places limité). COMPLET mais vous pouvez nous rejoindre pour prendre un verre à partir de 21h30

Rendez-vous au COUDE À COUDE, 17, rue Custine Paris 18e

De 19h30 à 23h30

S’informer, soutenir et participer aux projets de PARIS-LOUXOR (ici).

De 19h30 à 21h30


Afficher LES RENDEZ-VOUS DE PARIS-LOUXOR sur une carte plus grandeFrance&t=m&cid=6254748496418933085&ll=48.89181,2.348714&spn=0.012697,0.026565&z=15&iwloc=A »>Agrandir le plan

LE LOUXOR SE DÉVOILE, octobre 2012

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Cliquez sur PLAY pour lancer le diaporama et patientez quelques instants.

Découvrez les premières images de la façade du Louxor enfin dévoilée…ou presque… Livraison en décembre 2012, ouverture au public, printemps 2013.

Posée en février 2011, la bâche décorative (ici) et une partie des échafaudages viennent d’être retirés, laissant apparaître une partie de la façade du nouveau Louxor. Vitraux, mosaïques, boiseries rouge sang de bœuf, la grande inscription LOUXOR disparue dans les années 50… La salle retrouve petit à petit son éclat d’origine. La fin des travaux est prévue pour le mois décembre. Nous ne manquerons pas de suivre l’évolution de la dernière phase du chantier et de vous en informer.

Le suivi du chantier (ici)

NEIGE À BARBÈS avec JEAN-HENRI ROGER

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Nous avons rencontré le cinéaste militant [1] Jean-Henri Roger le 15 novembre dernier à l’occasion de la sortie en DVD de Neige [2], film qu’il réalisa, entre Pigalle et Barbès, en 1980, avec sa compagne Juliet Berto. Affable, cet amoureux et défenseur du cinéma évoque pour nous ses souvenirs, de Marseille à Paris, le tournage, le quartier et son cinéma. L’entretien est resté en suspend… débordé par le temps… jusqu’à être méchamment rattrapé par la réalité. Jean-Henri Roger nous a quitté le 31 décembre dernier. Il est des rencontres qui marquent et des rires qui restent. Le sien fait encore écho, le rire généreux d’un homme de conviction et d’un acteur passionné du cinéma. Peut être qu’un jour reverrons-nous Neige à Barbès, au Louxor, qui sait.

Le film est sorti en mai 1981, le contexte politique de l’époque a-t-il eu une influence sur le film ?

Il n’y a pas de lien direct entre le contexte politique, le film et son tournage. Le succès de Neige a accompagné la victoire de la gauche au moment de la sortie du film. Tout simplement parce que le film répondait à un désir des gens. La disparition complète de ces personnages et de ces lieux populaires dans le cinéma français était vécu comme un manque. Aussi, le désir de mettre en avant cette galerie de personnages de la rue a rencontré le désir de changement politique. Parfois, la situation nous échappe, il y avait Court circuits de Patrick Grandperret, un film cousin de Neige, lui à la Semaine de la Critique, nous à la Quinzaine des réalisateurs, la sélection aurait pu être inverse, tout comme la réception par le public. Nous étions de la même bande, de la même tribu. Pour Neige, il y a eu un processus d’identification, ce film était dans l’air du temps, les gens voulaient ce film là, à ce moment là. Ils en avaient marre de cette occupation de l’espace par les mêmes gens et les mêmes films.

Pour ce qui des personnages et du quartier. Ce qui nous agite avec Juju (Juliet Berto, actrice et co-réalisatrice ndlr), c’est en quelque sorte de réhabiliter, de rééquilibrer cet ensemble, de faire en sorte que ces personnages secondaires deviennent des personnages principaux. Qu’un quartier populaire, dénigré, devienne le référent d’un film, et pas d’une manière folklorique, ni en bien ni en mal, tout simplement le décor, un lieu, parce que cette histoire se passe là, en prise avec une réalité. Voilà comment se caractérise le désir politique. C’était pour nous une façon de dire il y en a marre de ces thrillers calqués sur le même modèle. Parfois avec de bons scénarios. Quand Jacques Deray adapte Jean-Patrick Manchette avec Trois hommes à abattre, c’est avec un bon scénario, parce que Manchette est un  magnifique écrivain de polar. Mais voilà, il prend Manchette et il enlève tout pour ne rien laisser. Tous ces films sont fait sur l’idée des acteurs et non des rôles, malgré tout Deray est un honnête homme. C’est un pan du cinéma qui existe, c’est le grand cinéma populaire et quand il est de qualité c’est formidable. Je n’ai rien contre mais ce n’est pas mon truc. Ce qui nous intéressait, c’était les personnages, c’était presque le désir démocratique de faire vivre les personnages, mais pas les acteurs. La réflexion politique était de cette nature. Alors, comment se pose la question du cinéma ? Si tu es comblé par les films des autres tu n’as pas besoin d’en faire ! Ce qui est important pour nous, c’est de maintenir la ligne du film avec d’une part les personnages, en tant que représentant du réel et le quartier, en tant que réalité, le reste ne nous intéresse pas. Parfois, avec une position poussée à l’extrême. Quand on fait des films on a des positions dogmatiques qu’on essaye de respecter même si on ne les respecte pas totalement, mais heureusement qu’on les a, car cela nous donne une espèce de morale. Nous en avions une, celle de ne jamais tourner dans un espace privé. La seule fois dans le film où il y a une séquence dans un espace privé c’est quand le chauffeur de taxi dit à sa mère que sa fille est en prison, c’est un choix délibéré, car cette question ne peut s’inscrire que dans le domaine privé. C’est la seule scène, tout le reste se passe dans l’espace public.

Comment s’est déroulé le tournage, réalisé pour l’essentiel en extérieur, de Pigalle à Barbès, jusqu’à la Goutte d’Or, sur le boulevard de Rochechouart…

Au bout de quatre, cinq jours, nous n’existions plus, nous étions invisibles, nous faisions partie du décor. Nous avons tourné pendant la fête foraine, nous étions des zozos, des clowns de plus dans le décor, des fondus dans la masse (rires). On tournait rarement deux fois la même séquence, sauf quand il y avait un attroupement, on faisait un plan, on s’en allait et on revenait deux heures après pour retourner. Nous étions peu nombreux, s’il avait fallu être 30 sur le tournage ça n’aurait pas été possible, dans ce cas là autant aller en studio… Il faut donc inventer des techniques pour pouvoir travailler de manière fluide. Nous étions une dizaine, parce que c’est un film fauché, réalisé avec peu de moyens. Aujourd’hui on trouverait que l’on était nombreux parce que les technologies ont évolué. Il y avait trois personnes à la caméra, deux au son, trois à la régie, deux assistants, deux électros et un machino. Lorsque nous étions sur le boulevard, on mettait la caméra sur le terre plein, et vice versa. On tournait en 35 mm avec la caméra à l’épaule. La plupart du temps, les gens ne nous voyait pas, à un point qu’on a tourné un plan avec des policiers venus brancher Nini Crépon (le travesti, Betty) qui titubait sur le boulevard, ils ne savaient pas que l’on tournait un film, la caméra était sur le terre plein. Ils n’ont rien vu, ensuite on leur a expliqué.

La lumière du film est remarquable, on la doit à Lubchtansky, le directeur de la photo…

Nous étions les premiers à utiliser la première pellicule Fuji 400 Asa. Kodak n’avait pas encore sorti la sienne et Willy de chez Fuji voulait à tout prix que l’on essaye sa nouvelle pellicule. C’est alors devenu très clair, si vous voulez qu’on l’essaye donnez nous la pellicule pour faire le film. Sur le tournage, tu sais que tu ne peux pas éclairer le boulevard, d’ailleurs ça n’a pas de sens, si tu veux le faire, autant aller en studio. Il nous a alors fallu réfléchir à la manière de procéder avec toutes ces contraintes. Pour les scènes de nuit, il nous fallait tourner près de sources lumineuses, il y a même une scène de jour que l’on mis de nuit, avec une référence lumineuse très forte, toujours dans un décor naturel. Le seul endroit où l’on maîtrise réellement  la lumière c’est à La Vielleuse (bar de Belleville ndlr). plus précisément dans l’arrière bar, parce que le bar on ne l’a pas fermé. Je n’ai jamais fait fermé un bar, 60% des films environ que j’ai tourné se passent dans les bistrots, j’ai même un logiciel qui les répertorie ! C’est toujours une question complexe le tournage dans les lieux publics, le décor, le passage, les habitués. Le meilleur assistant du monde ne te trouve pas les bonnes personnes pour les scènes de bar, ce qu’il faut faire c’est avoir, en plus de la faune, deux, trois copains aux places stratégiques pour les raccords, dans le découpage et la mise en scène pour être sûr que trois heures après tu aies les mêmes. sinon c’est intenable.

Il était important que le film se fasse avec des “vrais gens” du quartier ?

À vrai dire je ne sais pas comment on peut faire autrement, mon imaginaire est incapable de faire autrement. Je ne me vois pas, je me sens incapable, et ce n’est pas un jugement de valeur, je parle là de ma démarche, je me sens incapable de demander que l’on me trouve des figurants comme ci ou comme ça. Je viens vraiment de l’idée que le cinéma c’est la captation, je suis un vieux Rosselinien dogmatique (rires). Le cinéma, pour moi, c’est la captation.

Dans le film, on retrouve nombre de salles de cinéma de Pigalle à Barbès, c’est l’époque de la fin des salles …

Oui, le Trianon, le Delta, le Moulin rouge etc. C’était même la fin de la fin des salles de cinéma ! Filmer ces salles, c’était une manière de leur dire bonjour… c’est fini… Ces salles de quartier étaient finies. À la grande époque, je me souviens être venu de Marseille à Paris et avoir vu Rio Bravo au Moulin rouge, lorsque l’on a tourné Neige, le Moulin Rouge était encore un cinéma mais 6 ou 8 mois après c’était terminé. Neige est un film dont l’amour du cinéma est manifeste dans le film et il y avait ce désir de mettre en scène ces salles de cinéma.

Joko (Robert Liensol), Anita (Juliet Berto) et Bruno le chauffeur de taxi (Paul Le Person) devant le cinéma Le Delta.

Dans quelles salles de cinéma avez-vous tourné ?

On a tourné dans la salle du Moulin Rouge et aussi dans le hall du Trianon. À cette époque les salles projetaient du cinéma de genre, y compris des films pornos, ou du cinéma des diasporas comme au Louxor où l’on passait du cinéma d’Afrique du nord.  Pour Neige, nous voulions tourner sur la terrasse du Moulin rouge, dans le film Raymond Bussières joue le projectionniste, c’est un hommage à Prévert. Nous voulions que Bubu joue le projectionniste de la salle où habitait Prévert, il habitait sur la terrasse du Moulin Rouge tout comme Boris Vian. Mais le désir était plus de tourner sur la terrasse du Moulin rouge, chez Prévert, que dans la salle. Prévert habitait en face de la salle de projection, à l’époque, les projectionnistes arrivaient par la terrasse.

Dans ce quartier il y a des tas de personnages qui ont une solidarité diffuse, non dites, entre eux. Bussières c’est le vieux parigot, il aurait très bien pu être projectionniste et fumer une cigarette avec Prévert pendant la projection des films, cette scène n’est pas du tout improbable [3]. C’était une autre manière de faire vivre le quartier avec ses habitants, ce ne pouvait être que Bussières qui soit projectionniste dans cette salle là.

Vous fréquentiez le Louxor ?

Non, pas vraiment. C’était un cinéma qui passait du cinéma de genre ou communautaire. Mais si on me propose une projection de Neige au Louxor, je ne dis pas non et je pense sincèrement que ça aurait de la gueule ! (rires). D’ailleurs, on a failli occuper le Louxor en 1997 avec le mouvement des cinéastes en soutien aux sans-papiers ! Nous avions réalisé un film et nous cherchions un QG, l’idée du Louxor est venue après une rencontre avec l’ancien propriétaire, Fabien Ouaki, mais Jean-François Bizot (ancien patron d’Actuel et de Radio Nova ndlr) l’a convaincu que ce n’était pas une bonne idée ! (rires).

Vous semblez très attaché au quartier…

On y vivait ! On habitait Square d’Anvers. C’est un film que l’on a fait en bas de chez nous ! On fréquentait autant les salles que les bistrots. L’exotisme absolu pour nous c’était La Vielleuse à Belleville !! Pour le film nous ne trouvions pas de grands bars dans le quartier où les proprios acceptaient que l’on vienne tourner. À La Vielleuse, on y retrouvait la même configuration avec le terre plein, le manège et surtout il y avait l’arrière salle qui était à l’abandon, du coup on a proposé au patron de la rénover pour le film.

Quelle était l’atmosphère dans le quartier à cette époque ?

Je dirais que ça n’a pas beaucoup changé, il y a toujours des ouvriers, des travailleurs immigrés sans le sous, des prostituées, des travelos malheureux, des dealers et des mecs en manque. Si l’on devait reprendre la caméra, on retrouverait le même tableau dans le cadre. C’est un des derniers quartiers qui est resté dans son jus, mais il est vrai qu’avec le rachat du Louxor par la Ville de Paris ça va changer… pour ce qui est de Pigalle, je ne pense pas que le quartier ait fondamentalement changé. Il m’arrive d’y retourner. Ça reste un lieu de la nuit, ouvert tout le temps.

Vous entreteniez un rapport particulier avec la salle de cinéma ?

Lorsque j’ai monté les marches à Cannes pour Neige, j’ai demandé à les monter avec Monsieur Moreau. C’était le propriétaire du “Festival”, un cinéma Art et essai sur le vieux port à Marseille. Lorsque je n’avais pas un sou, ce monsieur me faisait entrer au cinéma… c’était notre maison, j’y allais avec Echenoz, on habitait là ! Ça lui plaisait d’avoir un jeune mec de 15, 16 ans lui dire “Le dernier Rosselini… c’est quand !!?”. Il a compté pour moi, il était propriétaire de deux salles “Le Festival” et “Le Paris”. On y allait en tribu, il y avait deux bandes, toutes deux composées de quatre personnes qui se haïssaient cordialement mais qui évidemment s’aimaient beaucoup (rires) !! Nous étions amateurs de jazz et cinéphiles, c’état Positif / les Cahiers ! Jazz Mag / Jazz Hot !!

Quel accueil a reçu le film lors de sa sortie en mai 1981 ?

Le film a eu un succès incroyable, 600 000 entrées France, rapporté à aujourd’hui cela pourrait se compter en millions. C’est UGC qui l’a sorti. Je me rappelle la réaction du patron d’UGC, le père Sussfeld, me disant “On a fait 67 entrées à Odéon à 11h ce qui veut dire que l’on fera plus de 200 000 entrées à Paris pour le film…”. J’étais estomaqué, je me souviens lui avoir dit, “Si c’est comme ça que se détermine la vie d’un film, tu es un mec dangereux !”. Il ne s’est pas trompé. Il savait au nombre d’entrées fait à l’Odéon ce qu’il adviendrait du film, c’était l’une des seules salles à ouvrir des séances le matin, un des premiers multiplexes, il y avait 6 salles ce qui pour l’époque était énorme.

Le film a été réalisé avec peu de moyens, une équipe restreinte, vous établissez un parallèle avec ce qui peut se faire aujourd’hui…

Non et c’est compliqué ce qui se passe aujourd’hui. J’ai la chance d’être prof à Paris 8 en Master réalisation dont la finalité est de faire un film, je vois bien comment mes étudiants travaillent. On est à la fac, pas dans une école où l’on finance la réalisation des films. Il y a 55 soutenances par an, les étudiants trouvent, ils se débrouillent. Dans une économie qui n’a pas d’économie. La position du cinéaste maintenant est celle de l’artiste. Si j’ai fait du cinéma c’est parce que je ne voulais pas être artiste, je parle de la posture de l’artiste. Maintenant, le fait que tu puisses faire ton film tout seul chez toi te permet de te penser comme artiste. Nous on a fait le film avec rien mais on a quand même eu l’avance sur recette, quinze salaires à payer, même s’ils acceptent d’être payés à moitié, ils te font un cadeau dont tu es redevable. Tu es dans la société, le réel. Tu es dans un système, celui de la fabrication des films, tu n’es pas tout seul en train de fabriquer ton truc. Aujourd’hui, c’est totalement différent. Je n’ai pas du tout envie de faire un film seul, tout seul, moi et une caméra dans mon coin, tout simplement parce que je ne sais pas faire, en dehors d’un rapport à la société, au social, dont l’économie du cinéma fait partie. Toutefois, on ne peut nier l’intérêt que procurent ces moyens légers de réalisation, mais ce qui me dérange c’est cette tendance à la survalorisation du moi… Neige a eu la chance de rencontrer UGC qui l’a acheté, un an avant, pour pas grand chose. À l’époque Téchiné et nous, étions les danseuses d’UGC, on nous sortait de temps en temps (rires). Maintenant, l’époque des danseuses est révolue !

La musique a son importance dans le film, au point que vous avez déclaré « Neige est un film Rythm n’ Blues… »

Ah, c’est tout une histoire ! (rires) pour préparer la promo du film je me suis attelé à la rédaction du dossier de presse. Comme les journalistes sont un peu flémards, je cherchais une image qui soit suffisamment percutante pour être reprise, alors j’ai écrit “c’est un film Rythm’n Blues sur 800 mètres de boulevard, le rythme du cinéma, le blues de la vie” ! C’était dans le dossier de presse, mais c’est de la pub ! Si j’avais touché des droits d’auteur sur cette phrase là j’aurais gagné plus qu’avec le film ! (rires). Pour ce qui est de la musique de Bernard Lavilliers (« Pigalle la blanche » ndlr), on se connaissait, j’aimais bien ce qu’il faisait, cela correspondait bien à l’ambiance du film, je lui ai proposé et il a accepté (Il joue notamment le rôle de Franco dans le film). Cela s’est fait simplement, au moins jusqu’à l’enregistrement, après c’était plus compliqué mais c’est une autre histoire !!

Vous pensez qu’il est plus difficile de faire des films aujourd’hui ?

Il y a un décrochage, un déplacement. Le cinéma aujourd’hui manque de solidarité, à la fondation de l’ACID, on disait, le cinéma c’est de Deray à Biette et c’était vrai. Deray te disait il faut que Biette puisse faire ses films, Sautet disait également la même chose. Il y avait cette idée qu’il y avait -un- cinéma, avec plusieurs entrées, plusieurs économies, mais c’était -un- cinéma. Aujourd’hui, ce n’est plus du tout vrai. Entre le réalisateur qui se bat pour faire ses films et la grosse machine du cinéma, il n’y a plus aucune chance aujourd’hui pour que les films se croisent.

Qu’est-ce qui fait que les rencontres ne se font plus…?

Parce que le cinéma n’est plus l’image du monde, c’est la télé, internet qui est désormais l’image du monde. Tout comme la salle n’est plus un lieu de rencontre. Tout ça est lié, nous sommes à la queue de la comète. Nous on vit encore sur cette idée que le cinéma est la référence de l’image du monde, alors que ce n’est plus du tout vrai. Pour les gens ça se joue ailleurs, sur d’autres écrans, la télé, internet. La réouverture du Louxor est une idée nécessaire. Il va falloir trouver les films, convaincre, ce n’est pas gagné, si c’est compliqué à Saint Michel, on peut légitimement se dire que ce sera compliqué à Barbès, il va falloir être inventif.

Je ne suis pas un déçu du cinéma, il y a plein de choses que j’aime bien. J’ai aujourd’hui un peu plus de 60 ans mon Panthéon du cinéma je l’ai fabriqué, comme tout le monde, entre l’adolescence et l’entrée dans l’âge adulte, à une époque où l’on s’est nous même fabriqué. Alors, pour bousculer tout ça c’est toujours un peu compliqué ! On en a vu 10 000 mais on vit avec 20-30 films. Ces films là, ils sont à nous. les autres ont du mal à rentrer, de temps en temps il y en a qui rentrent. J’aime beaucoup Un Prophète d’Audiard, je vois ce que je pourrais ne pas aimer dans le film, et ça n’altère pas ce que j’aime, même si je vois la “fin UGC”. Ça ne change rien. J’ai vu Pierrot le fou le jour de sa sortie sur la Canebière à Marseille, et le dimanche après midi au cinéma les kakous pensaient qu’ils allaient voir l’histoire de Pierrot le fou, le braqueur  marseillais du gang des tractions, avec Belmondo dans le rôle titre !!! Aujourd’hui, cette confusion serait impossible. Ce sont ces films là qui m’ont nourrit et inventé.

Merci à Claire Viroulaud.

Portrait par Frédéric Poletti, photogrammes du film © Epicentre Films.

NEIGE en DVD _ Epicentre Films

Synopsis.
Anita est barmaid à « La Vielleuse ». Elle a un grand coeur, surtout pour Willy ancien professionnel de « full contact ». Jocko est le pasteur de l’église de la Sainte-Trinité au coeur de Pigalle. Ses messes et sa bonté apportent réconfort et chaleur à son entourage. Un jour Bobby dealer du quartier et protégé d’Anita se fait tuer sous les néons de la fête foraine. La barmaid et ses deux acolytes décident alors de secourir les drogués les plus dépendants.

Réalisé par Jean-Henri Roger et Juliet Berto. Scénario et dialogues de Marc Villard adaptés par Juliet Berto et Jean-Henri Roger.

Avec Juliet Berto, Jean-François Stévenin, Robert Liensol, Patrick Chesnais, Jean-François Balmer, Eddie Constantine, Paul Le Person, Émilie Benoît, Anna Prucnal, Raymond Bussières, Bernard Lavilliers…
Sorti le 20 mai 1981
Musique : François Bréant, Bernard Lavilliers
Durée : 90 minutes

[1] Dizga Vertov, Cinélutte, mouvement des 66 cinéastes. British Sound (1969) et Pravda (1970) avec JL Godard, Neige (1981) et Cap Canaille (1983) avec J.Berto, Lulu (2002) et Code 68 (2005).
[2] Prix du jeune cinéma au festival de Cannes (1981)
[3] Raymond Bussières, comédien, fut un des fondateurs du Groupe Octobre pour lequel Jacques Prévert écrivit de nombreux textes d’agitprop dans les années 1930. Il était militant syndicaliste actif du syndicat des comédiens.


J’AIME LE CINÉMA exposition participative

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L’association PARIS-LOUXOR et ses partenaires vous proposent une série de manifestations participatives à l’occasion de l’ouverture du Louxor-Palais du cinéma. Ensemble fêtons Barbès et le cinéma ! >contactez nous : contact@paris-louxor.fr

J’AIME LE CINÉMA
Exposition participative sur les murs de la ville
N&B Format 0,90 x 1,80 m. 30 portraits.
A partir du 6 avril, prises de vues à compter du 30 mars.

10e arrdt : Samedi 30 mars à 15h. face au 31, rue des Recollets
18e arrdt : Dimanche 31 mars à 12h30-14h. Métro Chateau rouge (angle de la rue Custine)
9e arrdt : Samedi 6 avril à 15h. : Angle Square d’Anvers / Avenue Trudaine
18e arrdt : Samedi 13 avril à 15h. Métro Chateau rouge (angle de la rue Custine) ***dernière prise de vue***

  1. Le portrait d’un habitant sur les murs de la ville
  2. Une phrase sur le cinéma
  3. Un flash code vers l’entretien sur notre site internet (en cours)

Sur les murs de la ville sont exposés une série de portraits sur affiches, d’habitants, de commerçants, d’acteurs locaux du quartier Barbès et au-delà. Photographiés à la manière des grands photographes africains Malick Sidibé et Seydou Keïta, chaque “modèle” sera présenté en pied. Les portraits d’habitants seront accompagnés d’une phrase extraite d’une interview que nous réaliserons* exprimant leur amour, leur désir, ou tout simplement leur relation au cinéma. Réalisés par le photographe de presse et portraitiste, Frédéric Poletti, ces portraits valoriseront les habitants et acteurs du quartier comme l’ont été les grands cinéastes et personnalités photographiés par l’auteur (notamment aux Cahiers du cinéma) et habilleront les murs de la ville.

Cette exposition photo dans la ville (9, 10 et 18e arrondissement) souhaite à la fois mettre en valeur la richesse et la diversité culturelle, générationnelle et sociale du quartier Barbès et établir une relation de proximité, avec le projet de réhabilitation du Louxor et d’intimité à l’endroit du cinéma. Affichées dans la rue, ces portraits d’habitants ont vocation à vivre et habiter la ville, à susciter de la discussion, de l’échange et du désir de Louxor et de cinéma.

Organisé par PARIS-LOUXOR avec les Mairies des 9, 10 et 18e arrdt., avec soutien de la Mission cinéma de la Ville de Paris. En partenariat avec ARTE Actions culturelles et Télérama.

*via un flashcode sur l’affiche renvoyant vers notre site internet sur lequel l’internaute pourra consulter l’interview (sur mobile et pc) in extenso.

LA PREMIÈRE SÉANCE

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Le Louxor a rouvert ses portes au public, jeudi 18 avril à 13h45 avec au programme pour cette prémière séance No de Pablo Larrain, The Grandmaster de Wong Kar-waï (14h.) et Le Repenti de Merzak Allouache (14h15). Nous avons rencontré les tout premiers spectateurs du nouveau Louxor. Joyeux et impatients, ils sont d’abord venus pour découvrir la grande salle, sa décoration intérieure, évaluer son confort et visiter les espaces de convivialité, le Salon, le bar du Louxor et sa terrasse ensoleillée. Parmi les habitants du quartier, on croise le producteur Maurice Tinchant, le critique rock et auteur Patrick Eudeline et l’historienne Annette Wieviorka tous deux venus en voisin. Les spectateurs déambulent dans la grande salle, essayent les fauteuils à différentes places. Quelques minutes avant le début de la projection, le premier balcon est déjà plein, les flashs crépitent, on se prend en photo devant les têtes de pharaon. Dans les travées, les spectateurs échangent sur le confort des sièges, la frise des Egyptiennes et la taille de l’écran (l’écran d’origine au format 1.33) , qui en surprend beaucoup, avant que la lumière ne s’éteigne et que le grand écran descende de sa trappe sous la clameur du public. Il est 14h10. La première séance du Louxor commence…

Rencontre avec Blandine, Marielle et Guy, avant l’ouverture des portes.

Blandine © PARIS-LOUXOR

Blandine, étudiante en cinéma à Paris 1 -Sorbonne (Montmorency)

Il est 12h30, une heure et demie avant l’ouverture du Louxor, Blandine attend sagement devant les grilles du Louxor. Étudiante à Paris 1, elle vient de quitter ses cours et espère bien être parmi les premiers spectateurs du Louxor. « Je suis ici car j’ai entendu parlé de la renaissance du Louxor à travers la presse, la campagne d’affichage, j’ai ensuite cherché sur site internet et j’ai découvert le site de Paris-Louxor (♥). J’ai vraiment hâte de découvrir cette salle historique. Je viens d’abord pour le Louxor, ensuite pour le film de Wong Kar-wai « The Grandmaster ». J’apprécie que l’on ait pris le soin de recréer une belle salle, c’est vraiment important pour moi. Je vis aujourd’hui un moment particulier. Je reviendrais au Louxor pour voir le film « Hannah Arendt » que j’ai hâte de découvrir »

Marielle © PARIS-LOUXOR

Marielle, maire de la Commune libre de Montmartre (Paris 18e)

Marielle attend elle aussi, depuis 12h30, que les portes du Louxor s’ouvrent. Elle déborde d’énergie, prend des photos, filme, échange et blague avec la quinzaine de spectateurs présents. Sous le soleil de Barbès, c’est dans la bonne humeur que cette joyeuse troupe attend avec impatience l’ouverture du nouveau Palais du cinéma. « Le Louxor, je l’ai toujours connu. Le voir se déliter a été un véritable crève-cœur. Je suis cinéphile, je vais souvent au Studio 28, maintenant je vais avoir une nouvelle salle de cinéma. La réouverture du Louxor, c’est pour moi quelque chose d’exceptionnel. Je suis là aujourd’hui car je souhaite être l’une des premières personnes à entrer au Louxor, je veux être à la première séance du premier jour d’exploitation ! » Comme Marielle, les spectateurs rencontrés expliquent qu’ils sont là davantage pour découvrir la « salle égyptienne », plus que par intérêt pour le grand maître du cinéma hongkongais. « Je suis folle de joie, c’est une chance pour mon quartier que d’avoir une salle aussi belle. J’en suis très fière ! L’arrivée d’une brasserie (à la place du Vano ndlr), le renouveau du Louxor, notre 18e s’offre une seconde jeunesse, Paris respire ! »

Guy © PARIS-LOUXOR

Guy, jeune retraité (Paris 20e)

Il sera le premier à pénétrer dans la grande salle Youssef Chahine. Cinéphile, Guy est un jeune retraité qui va au cinéma « au moins cinq fois par semaine ». Il a découvert la réouverture du Louxor grâce à une campagne d’affichage. « J’ai envie de cette salle. Je suis venu voir le travail de restauration qui a été effectué. J’aime les salles exotiques et j’ai une passion pour l’Egypte. Je n’ai pas souhaité aller sur internet ou lire les journaux pour voir à quoi ressemblait la décoration intérieure, je voulais que ce soit pour moi une véritable découverte. J’aime le cinéma, je ne fréquente pas de salle en particulier, mais lorsqu’une salle me plait, c’est généralement pour son ambiance, son atmosphère. Ce que j’aime avant tout c’est qu’une salle sente bon le cinéma ! »

Le programme du Louxor et le premier billet, n°000001.

GIBERT JOSEPH, UNE NOUVELLE ENSEIGNE CULTURELLE À BARBÈS

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Olivier Sinson, directeur du magasin Gibert Joseph Barbès. photo LL/PARIS-LOUXOR

Le Libraire Gibert Joseph investit l’immeuble historique des magasins Dufayel, Boulevard Barbès, berceau du cinéma à Paris.

C’est à l’emplacement des célèbres Magasins Dufayel que s’est installée en décembre 2013 - à la place du magasin Virgin - l’enseigne culturelle Gibert Joseph à Barbès. Bien avant la création des grands magasins du boulevard Haussmann (1865 pour le Printemps, 1893 pour les Galeries Lafayette), les Magasins Dufayel*, situés sur le côté gauche du boulevard Barbès, entre les rues de Sofia et Christiani, furent édifiés en 1856 par Jacques François Crespin sous le nom de Palais de la Nouveauté.

En 1888, au décès de ce dernier, ils prirent le nom du principal associé, Georges Dufayel. Précurseur en son genre, Dufayel développe le crédit à la consommation, crée sa propre agence de publicité (qui publiera régulièrement des annonces dans le programme du cinéma Le Louxor -comme on peut le voir en couverture de ce programme (ici)-), installe une luxueuse salle des fêtes et un jardin d’hiver orné de plantes exotiques, le tout surplombé d’une immense verrière ; une piste cyclable pour tester son vélocipède avant achat, et même un cinéma.

En 1912, Dufayel est le plus grand magasin du monde** avec près de 15 000 salariés ! Et c’est aussi l’un des tout premiers cinémas de Paris qui ouvre en 1896 aux abords du « Petit Boulevard » (axe Barbès-place de Clichy – cf. Nos cinémas de quartier, (ici)). Une salle de 250 places qui accueille attractions et projections du cinématographe Lumière et qui s’associe à Pathé en 1899. Le cinéma Dufayel ferme une première fois ses portes en 1914 pour renaître en 1933, et baisser définitivement son rideau en 1939. La BNP (alors la BNCI) y installe en 1946 ses services centraux, le quotidien Libération quitte la rue de Lorraine en juillet 1981 pour s’installer rue Christiani, il y restera jusqu’en 1987 avant de s’installer dans ses locaux actuels, rue Béranger dans le 3e arrondissement. En 2002, 280 logements sont créés, plusieurs enseignes s’y installent dont la Grande Récré et Virgin.

Après onze années d’existence, en fermant définitivement son magasin du 15 boulevard Barbès (Paris 18e) le 12 juin 2013, Virgin Megastore, n’aura pas connu la transformation qu’est en train de vivre le quartier Barbès. Le propriétaire des murs, Paris Habitat, y accueillera temporairement une Fête du Vinyle, événement organisé par les disquaires indépendants les 18 et 19 octobre 2013.

Le repreneur, le libraire Gibert Joseph, historiquement implanté au Quartier Latin, a ouvert les portes de son troisième magasin parisien le 11 décembre 2013, soit exactement six mois après la fermeture de Virgin. Le bailleur, Paris Habitat (nom officiel de l’Opac de Paris depuis 2008), et la Mairie du 18e avaient la volonté de trouver un repreneur œuvrant dans le domaine culturel, et d’éviter ainsi l’implantation d’un énième magasin de vêtements.

L’offre portait sur les 1800 m2 sur deux niveaux (rez-de-chaussée et sous-sol).

Les candidats :

  • Cultura (holding Sodival), enseigne de distribution française pluriculturelle basée à Mérignac (Gironde) qui compte une cinquantaine de magasins répartis sur l’ensemble du territoire français en périphérie des agglomérations ;

  • Gibert Joseph, enseigne pluriculturelle spécialisée dans le livre scolaire et universitaire neuf et d’occasion, disposant de 2 magasins sur Paris intramuros (6e et 13e arrondissements) et 15 autres dans plusieurs métropoles de province (Dijon, Lyon, Marseille, Montpellier, Toulouse, Poitiers, etc) ainsi qu’à Versailles et Saint-Germain-en-Laye ;

  • Rougier et Plé, fournisseur de matériel pour les métiers d’arts plastiques, qui dispose d’un réseau de cinquante magasins en France ;

  • Egalement cités : Artevia avec une offre de jeux vidéos et Néoness un concept de salle de sport, un espace dédié à la culture… physique.

    Composition du comité d’analyse des candidatures : Afaf Gabelotaud (adjointe au Maire du 18e en charge du commerce et du développement économique), Carine Rolland (adjointe au Maire du 18e en charge de la culture), la DDEEES (la direction du développement économique, de l’emploi et de l’enseignement supérieur), le cabinet de Lyne Cohen-Solal (adjointe au Maire de Paris en charge du commerce, de l’artisanat et des métiers d’art), le bailleur Paris Habitat.

Afaf Gabelotaud, l’adjointe au maire du 18e chargée du commerce et du développement économique, revient sur la procédure d’attribution : « Après la liquidation judiciaire de Virgin, nous avons eu à gérer les demandes des anciens salariés (les Gilets rouges) qui souhaitaient qu’on ouvre des pistes sur leur reclassement et qu’on s’engage à les soutenir dans leur combat. Nous avons échangé avec eux à de nombreuses reprises et nous avons vu à quel point ce lieu était devenu un point de rencontre entre le quartier et la culture. Cela concordait avec le souhait des riverains de voir la préservation d’un commerce culturel. Il était essentiel de rester dans un domaine culturel pour la destination de ce lieu, nous avons demandé au bailleur, Paris Habitat, de favoriser cette thématique lors d’une nouvelle attribution. En accord avec la Ville de Paris et le cabinet de Lyne Cohen Solal (Adjointe au maire de Paris en charge du commerce NDLR) nous avons demandé à Paris Habitat d’ouvrir un appel à projets afin d’étudier différentes propositions et d’offrir ce qu’il y a de mieux dans un quartier en pleine évolution qui reste sensible. Nous savions à quel point il est difficile de maintenir le commerce culturel en cœur de quartier, que ce domaine est essentiel au lien social dans un quartier d’une immense diversité et richesse culturelle. Nous sommes également un arrondissement qui commence à connaître un accroissement des étudiants avec l’arrivée de nouvelles universités dans le nord parisien. Il était important de se rapprocher d’une offre culturelle digne du quartier et des exigences d’une vie étudiante riche. Nous avons donc reçu 4 candidatures complètes et avons retenu à l’unanimité la candidature de Gibert Joseph pour la qualité de son dossier et son effort financier. »

Olivier Pounit-Gibert président du directoire du groupe Gibert Joseph, Daniel Vaillant député-maire du 18e et le journaliste Pierre Lescure lors de l’inauguration du magasin.

L’ouverture du magasin le 11 décembre 2013

La séculaire institution fondée en 1886 par Joseph Gibert, professeur de Lettres Classiques au Collège Saint Michel (à Saint-Etienne) présente son dossier en octobre 2013. Après consultation des différentes demandes, en association avec la mairie du 18e, Paris Habitat retient finalement Gibert Joseph et lui signe un bail pratiquement aussitôt, le 15 novembre suivant. Le libraire hérite de toute l’infrastructure du magasin et du mobilier laissé par Virgin : gondoles et tables, meubles muraux, bornes d’écoute, etc.

Moins d’un mois plus tard, après les travaux de remise en service du magasin (qui n’avait pas tourné depuis plusieurs mois) comme le nettoyage des sols, la peinture des murs et des plafonds, le relampage des points d’éclairage, la remise en service de la sécurité incendie et la pose d’une nouvelle signalétique, l’ouverture des portes de Gibert Joseph Barbès a enfin lieu le 11 décembre 2013.

Parmi les arguments forts dans son dossier, Gibert Joseph s’est engagé à conserver une partie de l’ancienne équipe de Virgin dans les rangs de ses employés. Afaf Gabelotaud note que « Le volontarisme du candidat a été apprécié, Gibert Joseph voulait vraiment s’intégrer au quartier et vivre une nouvelle aventure. Ils ont minutieusement ajusté leur proposition financière pour essayer de satisfaire la demande du bailleur en terme de loyer. Ils se sont engagés, à une ouverture rapide avant Noël pour offrir aux habitants une offre pour les fêtes, et surtout, à embaucher, autant que faire se peut, des anciens salariés Virgin.» Sur les 30 membres du personnel actuel, 10 sont des ex-Virgin, 15 viennent du magasin Saint-Michel et 5 sont issus d’autres enseignes culturelles. Par ailleurs, les 15 postes laissés vacants chez Gibert Joseph Saint-Michel ont été pourvus en partie par des anciens de chez Virgin.

L’offre Gibert

C’est le même contenu culturel que les autres magasins : librairie neuf et occasion (au prix de 30 à 80% du prix neuf, 50% en moyenne selon les ouvrages). Dans les piles de livres sur les tables, les exemplaires d’occasion sont toujours sur le dessus. Le magasin réalise 30% de son chiffre d’affaire en livres d’occasion.

« Nous avons une grosse offre sur les livres scolaires et universitaires : nous comptons à moyen terme sur l’ouverture du Campus Condorcet qui doit accueillir 15 500 étudiants dans le quartier de la Porte de la Chapelle » précise Olivier Sinson, directeur du nouveau magasin. Les autres produits traditionnels des magasins sont la musique (CD et vinyle) et le cinéma (DVD et Bluray) sur lesquels il y a également une offre dans l’occasion. Il n’y a pas de vente de matériel électronique (comme le faisait Virgin, NDLR), mais on trouve un grand département papeterie sur 400 m2 au sous-sol.

L’inauguration a eu lieu le 28 janvier 2014 en présence du député-maire du 18e Daniel Vaillant***, de l’adjointe au maire de Paris en charge du commerce, Lyne Cohen-Solal, d’Olivier Pounit-Gibert président du directoire du groupe Gibert Joseph, ainsi que d’élus de l’arrondissement et du Conseil de Paris et sous le parrainage de Pierre Lescure, tout juste désigné par le conseil d’administration du Festival de Cannes le 14 janvier pour succéder à Gilles Jacob à la présidence.

Inauguration du magasin Gibert Joseph Barbès le 28 janvier 2014. Photo. LL/PARIS-LOUXOR

« Concernant le choix de Pierre Lescure comme parrain, il faut savoir qu’il est un client assidu de Gibert Joseph Saint-Michel et que son nom ayant circulé spontanément avant l’ouverture, j’ai souscrit de très bon cœur à ce choix. J’en suis très heureux et je peux dire que son discours a été très flatteur pour notre enseigne », raconte encore Olivier Sinson.

Clientèle

« Nous avons une clientèle essentiellement familiale et de quartier, mais sommes bien conscients de la mixité qui caractérise Barbès. Nous avons mis en avant un rayon ethno, socio, philo, histoire et sciences humaines. Nous avons fait un très bon mois de décembre ; et nous sentons bien que le quartier est en train de vivre une nouvelle synergie sociologique en matière d’urbanisme : la réouverture du Louxor comme cinéma d’art et d’essai, la future brasserie à l’angle du boulevard de La Chapelle, et la continuité de Virgin avec Gibert Joseph.»

C’est un magasin très différent de celui de Saint Michel, plus d’espace de circulation et des conditions de loyer très avantageuses. Vu du Quartier Latin, son fief historique, la direction de Gibert Joseph se félicite d’avoir ouvert son premier magasin sur la rive droite de la Seine.

Gibert Joseph Barbès, angle boulevard Barbès – rue Christiani (avril 2014)

Le quartier

Pour ce qui est des interactions prévues avec les acteurs locaux, le directeur de Gibert Barbès envisage  « tous les partenariats possibles avec les acteurs culturels et associatifs locaux : pour tisser des liens mais aussi pour créer un véritable espace culturel populaire dans un quartier souffrant parfois d’un déficit d’image » précise-t-il.

Le magasin est encore dans sa phase d’installation, « beaucoup de choses sont encore à ajuster, poursuit Olivier Sinson, notamment l’échafaudage présent sur la façade depuis quelques mois nous privant d’une forte visibilité et ralentissant nos opérations de communication. Celui-ci devrait être supprimé en mai prochain, ce qui sera l’occasion d’installer une nouvelle signalétique et des oriflammes pour affirmer notre présence à Barbès ». D’ici là Olivier Sinson réfléchit d’ores et déjà à la manière dont l’enseigne pourrait travailler de concert avec son environnement immédiat.

Des contacts ont été pris avec le Louxor et une opération de communication par voie de tractage sera lancée en mai prochain dans le quartier, et au-delà, jusqu’à place de la République et aux Grands Boulevards. Cette vaste opération de communication permettra aux 500 premiers clients de Gibert Barbès de se voir offrir une place de cinéma au Louxor. D’autres opérations autour de la programmation du cinéma pourraient être menées, notamment avec la mise en avant de DVD ou d’ouvrages d’auteurs et de professionnels du cinéma.

Des contacts ont été également établis avec l’association de la rue Christiani à l’occasion des 100 ans de Paris Habitat et des 10 ans de la réhabilitation de l’immeuble en logements sociaux par l’organisme public. Les organisateurs de la Fête des vendanges de Montmartre (8 au 12 octobre 2014, Montmartre fête les poètes) et d’autres associations du quartier se sont également manifestées dès l’ouverture du magasin, en vue de mettre en place des partenariats. Olivier Sinson ajoute que l’accueil a été particulièrement chaleureux, « surprenant » même,  « je n’avais jamais vu une clientèle aussi heureuse de voir un commerçant s’installer ! » Pour l’ancien directeur du Gibert Joseph Saint-Michel, c’est une véritable surprise de découvrir un quartier aussi dynamique.

Des manifestations autour de la musique et du cinéma

Gibert Barbès envisage également d’organiser des manifestations et conférences. Une première manifestation s’est tenue avec les rédacteurs du magazine Musiques sur Led Zeppelin. Des dédicaces ont eu lieu avec l’universitaire et philosophe Marc Cirisuelo autour du livre Oh Brothers ! sur la piste des frères Coen, et avec Axel Cadieux autour de Une série de tueurs, les Serial Killers qui ont inspiré le cinéma, deux livres publiés par les éditions Capricci, une société de production et d’édition installée dans le 18e.

Samedi 19 avril à 15h30, jour du Disquaire Day, John Densmore, le batteur du groupe mythique, The Doors, est attendu pour une dédicace de son dernier livre THE DOORS, les portes claquent, l’héritage tumultueux de Jim Morrison. Cette opération sera menée conjointement avec les autres magasins Gibert. Olivier Sinson note que la circulation des publics est importante et qu’il est nécessaire que les clients de Saint-Michel ou du magasin de la Bibliothèque François Mitterrand puissent venir à Barbès. « Les choses s’organisent petit à petit, je pense que nous arrivons au bon moment à Barbès, le quartier se transforme, il est en pleine éclosion, et c’est le printemps ! » ajoute-t’il en guise de conclusion.

Et après le printemps vient l’été, et l’ouverture de la Brasserie Barbès, (ex brasserie le Rousseau, ex magasin Vano), un dossier attentivement suivi par les habitants et associations du quartier ainsi qu’à la mairie du 18e, comme le note l’adjointe au commerce « Nous avons suivi de près ce projet, nous avons eu la chance de travailler avec un bailleur privé très à l’écoute et qui a entendu nos souhaits (en relation avec ceux des habitants du quartier). Nous avons un beau projet de brasserie géré par des « grands » du milieu ! Les travaux ont pris du retard parce que le projet est ambitieux et que les porteurs de projets sont sérieux et qu’ils font les choses bien. Il y a eu des retards de délivrance de permis de construire (projet complexe qui a été étudié avec la Mairie et le commissariat) mais aussi suite aux découvertes d’amiante qui ont été traitées. Les choses prennent tournure et une ouverture pour l’été est envisagée. Nous attendons cette ouverture avec impatience parce que ce carrefour sera une petite révolution pour ceux qui ont connu le Vano. »

A noter : Les autres librairies du quartier : Lundi 14 avril, à l’issue de la projection de A nos amours de Maurice Pialat à 20h, la Librairie des Abbesses organise, au Louxor, une rencontre-signature avec Dominique Besnehard à l’occasion de la parution de son livre Casino d’hiver (avec Jean-Pierre Lavoignat, Editions Plon). Réservation : ici

La Librairie Nordest organise le samedi 17 mai de 11h à 13h, une rencontre avec Gustave Akakpo, auteur d’un livre de théâtre jeunesse : Même les chevaliers tombent dans l’oubli (éditions Actes Sud Papiers/Heyoka jeunesse) en partenariat avec l’association culturelle Ere de jeu.

Signalons que les libraires souhaitant nous communiquer leur programmation d’avril-mai sont les bienvenus, nous ne manquerons pas de l’ajouter à cet article.

** voir à ce titre la double page très complète publiée dans “le 18eme du mois” (mars 2014).
* A la même époque, place de Clichy, se trouve le Gaumont Palace, le “plus grand cinéma du monde”. (ici)
*** Maire du 18e arrondissement jusqu’au 13 avril 2014, le nouveau maire est Eric Lejoindre.

Les librairies autour du carrefour Barbès.

L’AN 1 DU NOUVEAU LOUXOR

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Martin Bidou et Emmanuel Papillon par Frédéric Poletti pour PARIS-LOUXOR

Il y a tout juste un an, le Louxor a rouvert ses portes au public après 30 années de silence. Cinélouxor*, l’équipe qui a remporté l’appel d’offre de la Ville de Paris, revient sur cette première année d’exploitation.

Grâce au travail entrepris lors cette première année d’exploitation, au nombre d’entrées et de manifestations organisées le Louxor a trouvé ses marques, avec le quartier tout d’abord, les arrondissements alentour, à Paris et au-delà. Si la salle est connue de tous, notamment pour la qualité et le dynamisme de sa programmation, il lui reste encore quelques années pour assurer la viabilité économique de son projet. L’exploitation du Louxor attribuée par la Ville de Paris à la société Cinélouxor est de 7 ans, 7 années durant lesquelles l’équipe du Louxor, dirigée par Carole Scotta, Emmanuel Papillon et Martin Bidou, aura la charge d’assurer la pérennité du projet culturel de la Ville de Paris dans un quartier en pleine mutation. Les résultats sont plus qu’encourageants. Nous saluons le travail effectué lors de cette première année et restons attentifs à son évolution et particulièrement aux liens avec le quartier pour que tout un chacun puisse accéder au cinéma. Nous avons soutenu et accompagné la réhabilitation de la salle de cinéma, les trois années précédents son ouverture. Nous continuerons et apporterons, nous, habitants du quartier, notre aide, à l’équipe du Louxor à chaque fois qu’ils en exprimeront le besoin. Le Louxor a rouvert ses portes le 18 avril 2013 après trois ans de travaux menés par la Ville de Paris, le plus difficile ayant été effectué, il reste aujourd’hui le plus important : réussir le pari du Louxor.

DU MONDE

Le 18 avril prochain cela fera un an que le Louxor a rouvert ses portes, quel bilan tirez-vous de cette première année d’exercice à la tête du cinéma de Barbès ?

Martin Bidou : Le bilan est positif. Si l’on a une approche quantitative, nous avons réalisé  265 000 entrées ce qui est plus qu’encourageant pour une première année d’exploitation, les objectifs étaient de 170-180 000 entrées. Par ailleurs, nous avons le sentiment d’avoir réussi le pari de plaire à tous les publics, du quartier principalement, et de Paris en général. Les spectateurs apprécient tant la programmation que l’accueil qui leur ai réservé.

Avant l’ouverture, il existait une crainte des habitants du quartier à la fois sur la dégradation du lieu et sur le fait qu’une salle art et essai ne “marcherait pas à Barbès”, qu’en est-il aujourd’hui ?

MB : C’est étonnant, il y a eu un, voire deux graffitis sur une porte, mais rien de très inquiétant au final. Il y a d’ailleurs eu bien plus de dégradations sur les palissades lors des travaux qu’après l’ouverture de la salle. Un beau bâtiment inspire le respect, et nous pensons que les habitants respectent le Louxor parce qu’ils sont fiers d’avoir une belle salle dans leur quartier.

Emmanuel Papillon : Nous pensons que ces deux dégradations mineures constatées ne viennent pas d’habitants du quartier, mais de personnes extérieures.

MB : Pour ce qui est de la réussite de la programmation, pour nous, rien est surprenant.  Notre public aime principalement le cinéma art et essai. Quand on connaît la sociologie du quartier, ce sont principalement des personnes cultivées, jeunes et moins jeunes, qui fréquentent le Louxor. (A voir. Le travail des photographes Karen Assayag et Quentin Houdas (ici, ici et ) autour des spectateurs du Louxor). Les films qui ont le moins marché au Louxor sont des films qui n’étaient clairement pas identifiés art et essai. Nous avons un public fidèle qui a bien intégré le Louxor dans ses habitudes, c’est désormais leur cinéma.

Devant le Louxor, le 1er mars 2014

D’où viennent les spectateurs du Louxor ?

EP : L’essentiel de nos spectateurs vient du 18e arrondissement, ils représentent plus de 40% des usagers. Nous pouvons les quantifier via les cartes d’abonnement (cartes de 5 et 10 places NDLR). Ensuite, nous travaillons beaucoup avec les scolaires, notamment ceux du 18e, 10e et 19e. On les identifie très bien, via les structures sociales et pédagogiques, écoles, centres de loisir etc. L’organisation de séances avec les scolaires fait partie de notre cahier des charges mais nous avons souhaité dépasser la logique du quota. Nous avions conscience qu’une salle manquait dans le quartier, le Studio 28 et les MK2 Quai de Seine/Quai de Loire n’étaient plus en mesure d’accueillir tout ce jeune public. Le Louxor offre un nouvel espace et permet ainsi de répondre à la demande. Par ailleurs, l’accès du jeune public au cinéma n’est pas pour nous une stratégie pour augmenter notre audience mais c’est bel et bien la question de la transmission qui nous anime, ce sont les enfants qui nous intéressent. Les associations et acteurs locaux du quartier sont très engagés, militants même sur la question de l’éducation à l’image. Ces acteurs sociaux et éducatifs sont très contents de la réouverture du Louxor, nos relations ont tout de suite été constructives.

Par ailleurs, pour la sortie de HER de Spike Jonze, un institut de sondage nous a proposé de réaliser une petite étude et nous nous sommes intéressés justement à la provenance de nos spectateurs. Sur un panel de 150 personnes, nous avions 80% de “locaux”. Si beaucoup de spectateurs viennent du 18e c’est aussi parce qu’il est le deuxième arrondissement le plus peuplé de Paris (avec 204 000 habitants pour le 18e, près de 100 000 pour le 10e et 61 000 pour le 9e NDLR). Il faut toutefois noter que la notion de “local” couvre une étendue bien plus vaste que si l’on devait la comparer avec un autre quartier art et essai comme le Quartier latin. Barbès est un quartier très populaire où il y a une densité de population relativement importante, sans compter la proximité avec la Gare du Nord qui draine de nombreuses personnes en provenance tant de la banlieue que du nord de la France et d’ailleurs.

MB : De plus, il y a très peu de bureaux dans le quartier, ce qui veut dire que l’essentiel des spectateurs ne sont pas de passage mais bien du quartier voire des arrondissements alentour.

EP : On le remarque particulièrement le dimanche. Le calcul est un peu empirique mais c’est une tendance qui se révèle assez exacte. Nous souhaiterions d’ailleurs réaliser une étude plus approfondie pour mieux connaître notre public, tant en terme de provenance que de satisfaction, c’est important pour nous d’avoir ce type d’évaluation pour construire la suite.

Le cinéaste Etorre Scola et Flavia Barca, adjointe à la culture du maire Rome, le 24 février 2014 au Louxor, à l'occasion du lancement du tandem culturel Paris-Rome et de la projection de "Che strano chiamarsi Federico!", en présence du maire de Paris.

LE CAHIER DES CHARGES

Concernant le respect du cahier des charges, où en êtes-vous ? Sur l’offre liée aux cinématographies du sud, sur les séances d’art et essai, les séances de première exclusivité, les séances de films de patrimoine ou encore celles destinées au jeune public ?

MB : Nous sommes en cours d’habilitation art et essai, la règle veut que pour obtenir le label il faut 30 semaines d’exploitation à partir de l’enregistrement de la demande, ce qui nous amène au 30 juin, mais nous pouvons d’ores et déjà vous dire que d’après nos calculs nous sommes à environ 98% de programmation art essai alors qu’il est nécessaire d’avoir au moins 70% de films art et essai pour obtenir le label. Pour ce qui est des trois autres labels, “recherche et découverte”, “Jeune public” et “Patrimoine et répertoire”, nous les avons obtenus, nous remplissons bien le cahier des charges. Pour ce qui est du “cinéma du sud”, il n’y a pas de label spécifique mais nous y prêtons une attention particulière, ensuite tout dépend des films à disposition.

EP : Nous programmons régulièrement des films du patrimoine, le Louxor est bien identifié aujourd’hui et ces séances ont du succès (ciné-club, séances “Pharaoniques”, cycle Films noirs etc. NDLR). Pour revenir aux cinématographies du sud, nous participons, par exemple, au festival “Panorama du Maghreb” dont le nombre de séances sera plus élevé cette année que l’année dernière, il y aura six séances, trois avant-premières du 2 au 5 mai, avec notamment Fatma du réalisateur tunisien Khaled Ghorbal, A quoi rêvent les Fennecs ? de la réalisatrice algérienne Sarah Tikanouine, un film intéressant sur l’équipe féminine de football algérien et Round Trip du réalisateur syrien Meyar Al Roumi. Nous accueillerons également, du 18 au 25  juin, le festival “Espagnolas en Paris”, c’est une manifestation forte autour de l’Espagne, la programmation est assez dense, 2 films par soir, essentiellement des inédits. C’est typiquement le type de manifestations qui pourrait s’ancrer durablement au Louxor, et au Majestic Passy qui l’accueille depuis ses débuts. Il est également prévu d’imaginer un rendez-vous musical s’inscrivant dans le cadre de ce festival à l’occasion de la fête de la musique, le 21 juin. Nous avançons avec ces partenaires mais il n’y a pas aujourd’hui de rendez-vous inscrits dans la durée avec les festivals, c’est un début, chacun prend ses marques, ce qui est important pour nous c’est que le public soit au rendez-vous.

Outre la programmation, les compétences de l’équipe et solidité financière de votre offre, le cahier des charges s’est également attaché à la qualité du projet d’animation culturelle et d’insertion dans le quartier, pouvez-vous nous détailler les projets lancés depuis l’ouverture en lien avec le quartier Barbès (9, 10 et 18e arrdts.) Quelles relations avez-vous développé avec les acteurs culturels locaux, les associations etc. ?

EP : L’une des premières choses que l’on a faites, c’est d’aller sur le terrain, nous avons sillonné la Goutte d’Or avec notre programme papier en main ! Nous le diffusons chez les commerçants, les structures sociales et culturelles du coin. C’est une particularité du Louxor, peu de cinémas le font. Nous avons tout de suite reçu un très bon accueil, les personnes rencontrées nous ont aussitôt fait part de leur enthousiasme de voir le Louxor rouvrir ses portes. A aucun moment, nous n’avons ressentis une quelconque défiance de la part des habitants et commerçants, bien au contraire. Diffuser nos programmes est certes une approche marketing, mais ce n’est pas la seule manière de nouer des liens. Ensuite, et vous en êtes des exemples, des partenaires, nous entretenons des relations régulières avec plusieurs associations, dont celles ayant contribué à la réhabilitation du Louxor. Vous avez joué le jeu, il n’y a pas eu de critiques ou d’interventions après notre installation, votre soutien est précieux. Dès le départ, nous avons considéré qu’il était important, sur le principe, de dire oui aux propositions des acteurs locaux**.

Concrètement, quelles ont été les manifestations organisées avec les acteurs du quartier lors de cette première année d’exploitation ?

EP : L’association Accueil Goutte d’Or nous a proposé de passer Enfants valises au Louxor, un très beau film de Xavier de Lauzanne sur les classes d’accueil, les choses se sont organisées très simplement. Nous n’avions pas vu le film, après l’avoir vu nous avons donné notre accord, le projet nous semblait tout à fait pertinent. Le film a été présenté avec le réalisateur et l’association a fait venir des personnes en classe d’alphabétisation. Ensuite, l’Institut des Cultures d’Islam souhaitait organiser l’avant-première du film Des Etoiles de Dyana Gaye, distribué par Haut et Court, naturellement nous n’avons pas eu de difficultés à obtenir le film (rires) (Haut et court fait partie du groupement Cinélouxor, exploitant du Louxor NDLR). Voici deux exemples sur l’année. Sur le principe on accepte, ensuite on examine la faisabilité de la projection et bien sur on voit le film en question.

Nous précisons que nous n’avons pas l’exclusivité de la projection dans le quartier. Si le Centre Barbara ou l’ICI souhaitent organiser des projections, c’est parfait, on ne peut pas tout faire, et c’est bien que d’autres lieux puissent organiser également des projections. Par ailleurs, le Louxor ne diffusant pas de publicités, nous pouvons promouvoir des événements locaux par la diffusion de clips sur nos écrans, cette possibilité est offerte aux acteurs locaux, charge à eux de nous fournir le clip.

Nous devrions également être partenaire de la Fête de la Goutte d’or, bien que la thématique soit la musique, nous avons accepté d’y participer. A ces manifestations avec les acteurs locaux, s’ajoutent les dispositifs d’éducation à l’image. Exemple d’une expérience qui a particulièrement marché c’est la programmation du film de Julie Bertucelli : La cour de Babel, le film a été tourné à la Grange aux belles dans le 10e, et c’est typiquement le genre de projet qui permet de réunir les différents acteurs locaux. Une projection a été organisée avec des enseignants, ce fut une très belle soirée, le film sera de nouveau à l’affiche le 20 mai, les acteurs locaux se sont approprié le film, cela a pris du temps mais au final le film aura fait un beau parcours au Louxor. D’ailleurs je pense que le film A quoi rêvent les Fennecs ? sur l’équipe féminine de football algérien pourrait avoir un succès similaire au Louxor. En outre, nous sommes en relation avec l’équipe de la brasserie Barbès, Gibert Joseph et Tati.

La mission cinéma de la Ville de Paris suit l’exécution de la Délégation de service public

MB : Oui, nous sommes en relation naturellement avec la mission cinéma de la Ville de Paris, elle suit et contrôle l’exploitation du Louxor, nous leur avons remis un rapport d’activités. Nous avons des échanges réguliers avec eux. Sur le volet maintenance du bâtiment, qui est un aspect très lourd du cahier des charges, les architectes de la direction des Affaires culturelles suivent le dossier de manière très rigoureuse.

Par rapport à votre prévisionnel d’exploitation, comment se porte le Louxor financièrement ?

MB : Le bilan est positif car nous avons fait plus d’entrées que prévu, plus 40% sur nos objectifs, on se rend compte toutefois que le Louxor est plus lourd à gérer que prévu. Il serait difficile de faire plus et la question aujourd’hui n’est pas de faire plus d’entrées supplémentaires, car on prendrait le risque de mal accueillir nos spectateurs, mais bien d’avoir une gestion plus serrée de nos coûts, faire autant à un coût moindre. Après cette première année d’exploitation, nous ne sommes pas à l’équilibre, mais tout ceci était prévu.

EP : Il faut noter que lors de cette première année d’exploitation, nous avons subi des problèmes techniques qui ont duré 6 mois, ce qui a tout simplement ralentis l’exploitation de la salle. A cela s’ajoute les films, car 2013 n’a pas été une année exceptionnelle sur le plan national en terme d’entrées, nous pensons que 2014 sera bien meilleure.

MB : Le Louxor est un paquebot (2 100 m2 sur quatre niveaux NDLR), il faut un sacré équipage pour le gérer, le travail est considérable, on a fait plus de 265 000 entrées ! Dans ces 265 000 entrées, il y a une part importante de scolaires, ces entrées sont importantes pour la salle mais financièrement elles ne génèrent pas un chiffre d’affaire équivalent aux entrées classiques. Ensuite, lorsque vous avez une politique tarifaire avec des prix bas, vous faites plus d’entrées mais le chiffre d’affaire est moins élevé. Les 40% au-dessus de nos objectifs, ce sont bien des entrées supplémentaires et non un chiffre d’affaire supérieur de 40%. Le déficit de cette première année était prévu, tout ceci est parfaitement normal, c’est une année de réglage, d’ajustement.

EP : Nous considérons qu’il ne peut y avoir de cinéma sans équilibre financier, notre liberté se tient là.

Le bar est-il un plus pour le Louxor ?

EP : Oui, il fonctionne doucement… mais pas suffisamment, c’est une charge, au sens propre du terme. Tout d’abord, il est réservé aux détenteurs de billets, au départ nous trouvions cette décision, inscrite dans le cahier des charges, regrettable, mais dans les faits c’est très bien, car cela deviendrait rapidement ingérable. Situé au 3e étage, il permet l’accès directement aux salles, il nous faudrait alors trouver une solution pour contrôler les billets. Nous sommes conscients des possibilités limitées de cet espace, c’est un service en plus qui participe au succès du Louxor, notre souci avant tout est de ne pas perdre d’argent. Toutefois nous allons réfléchir à la manière dont nous pourrions développer les capacités du bar car l’endroit, avec la terrasse, est très agréable et très apprécié des spectateurs. La bonne nouvelle c’est l’arrivée de la brasserie Barbès qui va permettre aux gens de rester dans le quartier car aujourd’hui il n’y a rien à proximité. Nous sommes particulièrement impatients de les voir arriver.

Emmanuel Papillon, Dominique Besnehard, Marie-Rose Guarnieri et Jean-Pierre Lavoignat

PROGRAMMATION ET ÉVÉNEMENTS

Quels types d’événements avez-vous lancé depuis l’ouverture du Louxor ?

EP : Vous avons lancé différents projets comme l’Université populaire du cinéma qui invite un(e) cinéphile, non professionnel du cinéma, à présenter et échanger autour d’un film de son choix, (à un tarif réduit 3€ NDLR) nous avons eu récemment le pianiste Laurent de Wilde avec L’homme au bras d’or d’Otto Preminger, en mai nous accueillerons, le journaliste Marc Voinchet, il présentera Chantons sous la pluie, l’astronaute Jean-François Clervoy accompagnera… Gravity. Un cycle nous tient particulièrement à coeur, celui autour des films noirs, un cycle que nous aimerions renouveler cette année car il a rencontré un grand succès, nous avons eu de nombreux retours du public sur cette programmation ; les séances “Pharaoniques” accueillent de grands films classiques dans la grande salle (salle 1, Youssef Chahine, 342 places NDLR) ; Louxor Je dévore avec une dégustation d’amuse-bouches synchronisée avec les séquences du film de Billy Wilder 7 ans de réflexion, c’était vraiment très sympa et intimiste, le public a bien apprécié mais l’expérience fut très éprouvante en terme d’organisation ! Nous avons également des séances de ciné-club, nous accueillons, avec la Librairie des Abbesses, depuis peu des soirées autour d’un livre et d’un film, comme ce fut le cas il y a quelques jours avec A nos amours de Maurice Pialat présentée par Dominique Besnehard (photo) à l’occasion de la parution de son livre « Casino d’hiver » (Editions Plon) ; nous accueillons les festivals Paris Cinéma, Mon premier festival, le festival Télérama…

Quel est le film qui a le mieux marché ?

EP : The Grand Budapest Hotel de Wes Anderson, il a fait 18 900 entrées en 6 semaines d’exploitation. Je pense qu’il y avait vraiment une adéquation avec la salle, le film kitsch fonctionnait bien au Louxor, les spectateurs avaient plus envie de le voir ici qu’ailleurs.

Comment peut-on soutenir le Louxor ?

EP/MB : Ce qui nous semble important c’est de fidéliser nos spectateurs en passant notamment par l’achat des cartes d’abonnement du Louxor. Cela crée une relation, une proximité entre la salle et les habitants du quartier mais c’est aussi un acte politique que de soutenir un exploitant indépendant. Bien que l’on accepte les cartes UGC pour toutes les séances au prix habituel, si l’on souhaite soutenir le Louxor, il faut acheter notre carte d’abonnement ! L’acceptation des cartes UGC est un service complémentaire de notre offre que nous proposons aux spectateurs, même si celui-ci n’est pas intéressant financièrement pour nous. C’est un service que nous rendons. Notre carte permet aux abonnés de réserver leur place à l’avance sur internet. Nous devons encore faire preuve de pédagogie car peu de gens connaissent notre carte. Ensuite, nous sommes à la recherche d’un partenaire financier, d’un mécène intéressé de soutenir le cinéma et le Louxor, nous y travaillons !

Le + : L’équipe du Louxor étudie la possibilité d’installer une ruche sur le toit de la salle de cinéma. Des associations d’apiculteurs ont été approchées, le projet du « miel du Louxor » est actuellement à l’étude. #ToBeContinued

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En ce moment au Louxor : Capelito et ses amis de Rodolfo Pastor, The Best Offer de Giuseppe Tornatore, Tom à la ferme de Xavier Dolan, Le Bonheur est pour demain de Henri Fabiani, Elvira Madigan de Bo Widerberg, Monsters University de Dan Scanlon, Kirikou et la sorcière de Michel Ocelot, Charulata de Satyajit Ray, La cour de Babel de Julie Bertucelli, Bambi de David Hand, Les petits canards de papier de Yu Zheguang, Monte la dessus de Sam Taylor et Fred Newmeyer, My Sweet Pepper Land de Hiner Saleem.

Renseignements et réservations sur le site internet du Louxor-Palais du cinéma : http://www.cinemalouxor.fr/

Le Louxor dispose d’un espace d’exposition dans lequel on peut voir actuellement une exposition de photographies d’Emmanuel Chavassieux intitulée « Overseas telegrams ». Le Shanghaï de 2007 en huit clichés. En outre, des DVD sont en vente au Louxor, en partenariat avec la boutique Potemkine (10e). On y trouve une belle sélection de DVD et coffrets dont notamment De l’influence des rayons gamma sur le comportement des marguerites de Paul Newman et Neige de Juliet Berto et Jean-Henri Roger.

Pour suivre l’actu de PARIS-LOUXOR : FacebookTwitter et notre site internet.
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* Le Louxor-Palais du cinéma est propriété de la Ville de Paris. Il est exploité pour une durée de 7 ans dans le cadre d’une Délégation de service public par la société Cinélouxor composée de Haut et court (Carole Scotta), Xanthie Film (Martin Bidou) et Emmanuel Papillon. Les trois autres finalistes de l’appel d’offre étaient :  l’ARP ; SNES et Miroir magique ; le groupement La Clef-l’usage du monde, l’association Maghreb des films, les films de l’Atalante et Cinépoque – les Trois Luxembourg.

**Outre cette programmation avec les acteurs locaux, sur la première année d’exploitation, l’équipe du Louxor a accueilli (gracieusement) l’association PARIS-LOUXOR vivre ensemble le cinéma pour une projection des Demoiselles de Rochefort de Jacques Demy le 14 juin 2013 en présence de Mathieu Demy, 4 visites de la salle (mai 2013) lors des visites de quartier organisées par l’association (en partenariat avec les trois mairies d’arrondissement, 9, 10 et 18e, Télérama et les actions culturelles d’ARTE) à l’occasion de l’exposition “Nos cinémas de quartier”, de la réouverture de la salle et de notre 3e anniversaire et a diffusé sur ses écrans, durant une semaine (juillet 2013), le clip de présentation de la soirée Barbès Remix #2.

LA GARE ORNANO SE RECYCLE

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Stéphane Vatinel sur le chantier de la REcyclerie / photo. LL / Paris-Louxor

L’ancienne Gare Ornano dans le 18e devient la REcyclerie, un lieu de vie hybride et pluridisciplinaire qui ouvrira en mai.

« Rien ne se perd, rien ne se créé, tout se transforme ». Si la maxime fait date (c’est le chimiste Lavoisier qui l’initia au 18e siècle), elle n’en demeure pas moins d’actualité, voire le symbole de la réhabilitation d’une ancienne gare de la petite ceinture, la Gare Ornano, Porte de Clignancourt. Car ici, la priorité est à la récup, la réutilisation et le recyclage. Exit l’hyperconsommation et la marche forcée vers « le tout propriété », les 550 m2 qui accueillaient les voyageurs d’antan s’apprêtent à recevoir « toutes celles et ceux qui souhaitent consommer autrement, sur le mode du collaboratif, de la bienveillance, du bonheur et de l’attention aux autres ». Le ton est donné. Stéphane Vatinel, l’un des nouveaux gérants du lieu en est convaincu : « vivre autrement c’est possible et nécessaire dans le monde d’aujourd’hui. Pour autant, nous ne sommes pas des donneurs de leçons. Nous invitons les gens à partager un quotidien qui est fondé sur la notion d’usage et non plus celle de la possession. La REcyclerie c’est un lieu d’échanges et de dialogues dans lequel les gens sont acteurs et responsables de leur consommation. C’est donc un lieu dans lequel on propose un certain nombre de possibilités pour réutiliser et recycler tout ce qui est issu du quotidien ».

Place au tout « récup »

Beau programme donc ! Que la rédaction de Paris-Louxor a découvert lors de sa dernière visite de chantier durant laquelle Stéphane Vatinel a fait part de quelques nouveautés. D’abord, et on s’en doutait un peu, « ici, tout est réhabilité avec des matériaux de récupération ». Sauf cas d’obligation sanitaire comme pour les cuisines où la loi est très stricte quant aux mesures d’hygiène et de sécurité. Mais pour le reste, c’est bien simple, on est au pays de la récup ! Quand le sol en béton n’est pas transformé en faux carreaux de ciment grâce à des pochoirs dessinés pour l’occasion, il est réhabilité avec des planchers récupérés d’anciens wagons. A part les grandes verrières côté quais, qui offriront de gigantesques puits de lumière, les façades ne bougeront pas pour la plupart et resteront même dans leur jus où les briques et cadres fenêtres usés par le temps, donnent des airs de site industriel désaffecté. A l’étage, des cloisons de bric et de broc ont même été reconstituées à partir de matériaux récupérés in situ. Une façon de démontrer les multiples possibilités de la réutilisation des objets même quand, a priori, ils sont loin de leur destination première. Entre tour de force et de magie, l’atmosphère bon enfant mais responsable est de mise.

Plan de la REcyclerie

Modérations in fine

Ici, un seul crédo pour la déclinaison des espaces : le pied de nez à la surconsommation. Et pour se faire, c’est René (ou plutôt Re-Né) qui reçoit. L’idée ? Partager un café filtre à volonté lovés dans un mobilier confortable mais de récup façon ambiance «comme à la maison » ; faire réparer sa montre bracelet, sa branche de lunette ou bien la dernière lampe achetée à la brocante du coin, le tout remis aux bons soins de René dont l’établi donne sur le bar–restaurant, installé dans la salle des Pas Perdus de l’ancienne Gare. Mais aussi déguster de bons petits plats préparés dans une cuisine ouverte sur la salle ou, pour les plus pressés, les acheter en street food via le corner ouvert sur la rue Belliard, et cerise sur le gâteau la possibilité de faire ses courses en produits frais avec la petite épicerie nichée à côté de l’atelier de René. Quant à la Consigne, elle garde son nom et devient un endroit de confidentialité réservé aux adeptes du calme et de la sérénité. Une idée zen qui n’est pas sans rappeler celle de la non moins célèbre Société nationale des chemins de fer français. Et puis, les quais ! Essence même d’une gare, même réhabilitée. Ici, et passé la terrasse de 90 m2, les quais se transformeront ni plus ni moins en potagers ! Prenant exemple sur leurs voisins d’en face Les Jardins du Ruisseau, association de quartier qui exploitent les quais côté Boulevard Ney en petit Eden de fleurs et plantes en tout genre, la REcyclerie a opté pour la végétalisation des sols et des toits. Démarche naturelle dans l’expérience citoyenne à venir, largement encouragée eu regard à la transformation du quartier avec l’arrivée du Tram en 2017 et sa coulée verte adjacente.

Un lieu alternatif

La REcyclerie s’apprête donc à accueillir beaucoup de monde. Non seulement la station de métro Porte de Clignancourt fait partie de celle la plus fréquentée avec 9 millions de visiteurs par an, mais on peut compter aussi sur les 5000 étudiants du campus universitaire de la Sorbonne-Clignancourt et les 11 millions de visiteurs annuels des Puces de Saint-Ouen, « notre voisin et premier opérateur de recyclage de l’histoire » aime à rappeler Stéphane Vatinel dont la philosophie quotidienne serait celle de fédérer et réunir des gens autour d’un lieu porteur de sens. D’ailleurs, les associations de quartier ont quasi toutes cogné à la porte de la REcyclerie qui est prête à partager et travailler sur le mode du collaboratif. « On est ouvert à toutes les propositions à condition qu’elles fassent corps avec les valeurs du lieu », poursuit Stéphane Vatinel qui n’en est pas à son premier coup d’essai en montage de lieu alternatif. Et c’est bien pour cela que la Mairie du 18e à l’époque sous la houlette de Daniel Vaillant a proposé au Réseau Ferré de France que Vatinel et ses équipes réhabilitent la Gare Ornano et en prennent la gestion.

Des opérateurs avertis

Car Stéphane Vatinel et Olivier Laffon respectivement dirigeants de Sinny&Ooko et de C-Développement sont experts en gestion d’espaces atypiques. Du premier lieu alternatif Glaz’art, créé en 1992 par Stéphane, à la Porte de la Villette, en passant par le Comptoir Général, le Divan du Monde*, Commune image à Saint-Ouen, La Machine du Moulin Rouge ou le Pavillon des Canaux, les deux acolytes en connaissent un rayon côté management culturel. Côté quartier aussi, eux qui ont toujours opéré dans le nord de la capitale. « Nous gérons la REcyclerie comme nous gérons une salle de concert, de spectacles ou de théâtre ; nous avons mis en œuvre une programmation gérée par l’agence Les Filles sur le pont, car l’endroit s’il est avant tout un lieu de vie se doit aussi d’être un lieu vivant », poursuit Stéphane Vatinel. Particularité affirmée de la REcyclerie ? Sa pluridisciplinarité.

Actions !

Ici l’action culturelle est de mise : place aux workshops végétaux, leçons de jardinage, de musique, d’arts plastiques, de bricolage ; place aux trocs et échanges via l’association des Amis Recycleurs, ou encore aux marchés thématiques du dimanche. Et belle surprise : le cinéma loin d’être oublié, sera bien souvent invité d’honneur. Il faut dire que Stéphane Vatinel et Olivier Laffon sont tous les deux des enfants du 7e art. Quand le premier a travaillé pendant des années comme directeur de production et le second a créé la salle Commune image à Saint-Ouen spécialisé dans l’audiovisuel, le grand écran n’est jamais loin. « Mon parcours a toujours été semé de retrouvailles avec le cinéma », ajoute Stéphane. Et d’ailleurs c’est à un décorateur de plateau qu’il a confié la déco de la REcyclerie, tout comme il a prévu des projections avec « Connaissance du Monde »** en installant des toiles géantes sur les rails de l’ancienne station – et peut être même des soirées avec Paris-Louxor, ou encore la mise à disposition du lieu aux écoles de cinéma pour des tournages en décor naturel, voire des tournages de films… Gondry et Besson ayant déjà été approchés. « Et bien sûr, je ne peux que me réjouir de la réouverture du cinéma Le Louxor. Nous sommes très heureux de faire partie de ces nouveaux acteurs qui participent au renouveau du quartier ».

Vue arrière de la REcyclerie © Office parisien d’architecture

Au programme

En confiant la programmation de La REcyclerie à l’agence Les Filles sur le Pont, Stéphane Vatinel s’en remettait à des mains expertes en organisation d’événements culturels. Le festival Culture au quai qui se tient chaque année en septembre quai de La Loire, c’est elles, et l’inoubliable Zurban, le mag des sorties culturelles parisiennes, c’est elles aussi. Fidèles à l’esprit de La REcyclerie, les Filles sur le pont se sont lancées sur le leitmotiv du Do it yourself et de la consommation participative.

Au programme donc : des ateliers de cuisine durant lesquels chacun participera à sa manière. De la cueillette des fruits à la mise en bocaux lorsqu’il s’agit de concocter des confitures, c’est le faire ensemble qui prime. Accompagnés d’experts es fruits et légumes et autres petits secrets culinaires, des cycles thématiques se succéderont chaque semaine. Côté bricolage, c’est l’atelier de ReNé qui mène la cadence sur le rythme de l’échange d’outils et de savoir-faire ; c’est là aussi que des cours de bricole en tout genre se donneront pour novices, amateurs et passionnés. Surprises sur les quais ! On les savait réaménagés en jardins collaboratifs, les voici également terres d’accueil pour poules, lapins et chèvres qui n’auront de cesse de nous révéler le cercle vertueux de la nature. Ateliers jardinage en prime bien sûr. Tous les week-end, place à la brocante et troc thématiques auxquels chacun pourra réserver un espace ; on imagine déjà le troc vaisselle, le troc musique et le troc ciné !

Quant à la mode, elle n’est pas en reste, elle qui réunit dans l’échange des milliers de fashionistas sur les réseaux  sociaux. A La REcyclerie, en plus de l’échange, elle se transformera et se recyclera grâce à l’intervention de doigts de fée et la mise en place d’atelier coutures et styles dans lesquels on pourra apprendre à teindre des tissus avec des produits naturels. Enfin, la création artistique sera un des points culminant de La REcyclerie qui estime que dans chaque artiste se cache un recycleur, à l’image de Gainsbourg dont on connaît les inspirations pour Chopin. Sauf qu’ici, le recyclage sera concret ! Des collectes d’objets en tout genre seront organisées au profit d’artistes plasticiens travaillant sur la récup. Alors, à vot’ bon cœur messieurs dames ! La création, elle aussi, se veut participative. Quant au prix des ateliers, ils ne dépasseront pas les 10 euros. Une volonté clairement affirmée de faire de La REcylclerie un lieu ouvert à tous les publics.

Le cercle des amis recycleurs

Et pour tous ceux qui auraient envie de soutenir le projet (puisque n’en n’oublions pas l’essentiel, il est collaboratif), c’est possible via le site de financement participatif Kisskissbankbank. En participant à la collecte, on devient « créateur d’occasions » mais surtout on aide René à monter son atelier, lui qui au final nous bricolera des merveilles. C’est un geste solidaire, pour le bien-être de tous. C’est une autre approche de la citoyenneté, avec un retour aux valeurs communautaires. C’est dans l’air du temps qu’il fait bon humer en cette saison préférée et fleurie. La REcyclerie ouvrira ses portes en mai à une date joyeusement indéterminée. Effet de surprise souhaité. On vous tient informé !

*Partenaire de PARIS-LOUXOR
** Cycle de ciné-conférences animées par des voyageurs, explorateurs, cinéastes.

Pour suivre l’actu de La REcyclerie : https://www.facebook.com/larecyclerie2?directed_target_id=0
Pour soutenir La REcyclerie : http://www.kisskissbankbank.com/la-recyclerie
Pour se rendre à La REcyclerie : 83 Boulevard Ornano, Paris 18/ Métro Porte de Clignancourt

Quand les gares deviennent des lieux culturels

On connaissait déjà La Flèche d’or, ancienne gare de Charonne devenue salle de concerts dans le 20e arrondissement de Paris dans les années 90. On attend maintenant l’ouverture prochaine de La REcyclerie, ancienne Gare Ornano qui sera tout à la fois bar, restaurant, épicerie, corner de street food, accueil de workshops et événements culturels sur le mode de la récup et de l’échange. C’est un fait avéré, les gares désaffectées de la Petite Ceinture de Paris sont devenues de vrais enjeux patrimoniaux et culturels. Et le 18e arrondissement est en passe de devenir le symbole de cette réhabilitation avec la future transformation de la Gare de Saint-Ouen (propriété de la Mairie de Paris) en espace culturel pluridisciplinaire axé sur les musiques actuelles, Le Hasard Ludique qui ouvrira ses portes à l’automne 2015. Nous y reviendrons.


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RETOUR À LA SCALA avec MAURICE TINCHANT

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Auberge, Caf’ Conc’ puis salle de spectacle avant de devenir cinéma, aujourd’hui en vente, la Scala se cherche un nouvel avenir. Rencontre avec le producteur Maurice Tinchant.

La Scala, une salle parisienne

C’est en 1787 qu’ouvre, au 13 boulevard de Strasbourg, l’auberge du Cheval blanc. La modeste auberge devient rapidement une guinguette courue et l’on traverse Paris pour écouter, sous les tonnelles, les apprentis chanteurs venus gagner quelques pièces et un bon repas chaud. Bien que la sympathique gargote fasse briller quelques casseroles, sa réputation va grandissant dans les faubourgs, et c’est en 1857, sous le nom de “Concert du Cheval blanc” qu’elle compte désormais dans le Paris de la chanson populaire. C’est l’un des tout premiers Caf’ Conc’ de la capitale. Détruite en 1874, l’auberge cède la place à une salle de spectacle “La Scala”, en référence au célèbre opéra de Milan.

A grande salle, grand nom, telle est son ambition. Avec ses 1400 places, la Scala compte devenir une salle de music hall des plus réputées et rivaliser notamment avec son encombrant voisin L’Eldorado. Pour cela, elle prévoit de s’appuyer sur une riche programmation autour d’une troupe d’artistes aux différents talents, chanteurs, danseurs, comiques troupiers, chansonniers, comédiens, fantaisistes etc. La Scala parisienne se différencie bien de son éminent homonyme transalpin, la confusion n’est pas de mise. L’entreprise gagne ses galons, une dizaine d’années plus tard, sous l’impulsion de nouveaux propriétaires, le couple Allemand, aidé de leur gendre Marchand à la direction artistique. La Scala devient une salle fréquentée par le Tout-Paris, on loue la richesse des décors et la qualité des prestations. Dranem, Felix Mayol, Mistinguett, Fréhel et l’incontournable Maurice Chevalier, pour ne citer qu’eux, s’y distingueront. Ce haut lieu de la chanson et de l’attraction décline dans les années 20, il tente alors de se relancer en devenant « La Nouvelle Scala ». On y joue des vaudevilles de Feydeau, Raimu dit-on s’y produit, mais les spectacles proposés ne sont plus en vogue car le public s’est épris, depuis quelques années déjà, de cinéma. La concurrence est rude. L’arrivée du parlant au début des années 30 achèvera définitivement l’aventure, après maintes tentatives pour renouer avec le succès (cf. programme 1930), les propriétaires du music hall cèdent la salle à un exploitant de cinéma. Rideau.


La Scala lors de sa réouverture en 1936 / Page de garde des plans de l’architecte Maurice Gridaine. Coll.M.T.

Du music hall au cinéma

La Scala, nouvelle salle de cinéma parisienne, ouvre le 30 juin 1931 avec à l’écran “La Fille du Bouif” un film du metteur en scène et parolier René Bussy. La salle dispose de 1200 fauteuils, les Parisiens apprécient la nouveauté et, clou du spectacle, le toit s’ouvre aux entractes afin de permettre aux spectateurs de fumer leur cigarette ou tout simplement d’admirer le ciel de Paris. Mais le cinéma connaît à son tour des déboires, endetté, il est revendu, détruit, puis reconstruit par Maurice Gridaine. Un architecte sans doute choisi par le nouvel exploitant Monsieur Roux (également propriétaire du Ciné-Vivienne et du Helder à Paris), pour avoir réalisé 4 années auparavant, une autre salle non loin de là, l’Ornano*, bien connue pour sa façade Art déco à l’allure de paquebot. Le nouveau cinéma est inauguré le 18 décembre 1936 avec au programme « Un mauvais garçon » un film de Jean Boyer [cinéaste et chansonnier, auteur notamment de la célèbre chanson du film "C'est un mauvais garçon" (ici)] avec Henry Garat et Danielle Darrieux, un documentaire sur les oiseaux et un dessin animé en couleurs : « Badinage ». « Un gala très élégant a été donné pour l’inauguration » nous rapporte Le Courrier cinématographique, la semaine de l’ouverture. Le nouveau cinéma permanent, ouvert de 14h à 2h du matin, est doté d’un grand balcon dans une salle qui fait désormais 1000 places pour une hauteur de 25 mètres (contre 14 mètres pour le Louxor). Le plafond reprend un ciel de nuit étoilé. La décoration est soignée, dans le pur style Art déco. Ouvert sur la ville grâce à sa grande baie vitrée, le hall dispose de miroirs et d’éclairages aux formes géométriques. La Scala est un cinéma bien connu des Parisiens et des habitants du quartier. Le 10e arrondissement compte alors une trentaine de salles. Le cinéma poursuit une exploitation proche de celle de son illustre voisin le Louxor, il projette des films français, populaires, aux films américains avant de passer au film de genre, Westerns, Kung-fu etc. pour finir par devenir le plus grand cinéma porno de Paris. La Scala est alors transformée en 1977 en un multiplexe de 5 salles, elle ferme définitivement ses portes en 1999. Le producteur Maurice Tinchant décide alors d’acquérir la salle…

RETOUR À LA SCALA AVEC MAURICE TINCHANT

Maurice Tinchant est publicitaire, producteur (Rivette, Akerman, Carax etc.), distributeur de films et organisateur des mythiques soirées d’après projections du Festival de Cannes. Enfant de Belleville et de Ménilmontant, il fréquentait les salles de son quartier, depuis, le cinéma ne l’a jamais quitté. A la fin des années 90, il rêve d’acquérir une salle de cinéma. Ce sera La Scala dans le 10e arrondissement. La plus grande salle X de Paris est à vendre, mais l’affaire est compliquée, une secte surenchérit avec pour projet d’y installer un temple. Maurice Tinchant alerte les pouvoirs publics, mobilise la Ville de Paris, les associations du quartier et le monde du cinéma. En octobre 1999, l’affaire lui échappe sans que l’équipe de la Ville de Paris de l’époque n’ait pu s’opposer à son acquisition par la secte. Le permis de construire est toutefois bloqué et par la suite conditionné à la présentation d’un projet de reprise à vocation culturelle. La Scala est aujourd’hui l’un des rares cinémas fantômes de Paris doté de plusieurs salles, dans un quartier très dynamique du 10e arrondissement, ce qui rend l’affaire particulièrement attrayante. Remis en vente, ce sont aujourd’hui, selon nos informations, des entrepreneurs de salles de spectacle et de théâtre qui s’y intéressent. Le prix est élevé : 5 millions d’euros et les travaux de rénovation à prévoir sont importants. Maurice Tran Trong Tinchant revient pour la première fois sur sa tentative de rachat de La Scala.

Comment avez-vous rencontré le cinéma ?

Lorsque j’étais gosse j’habitais au métro Couronnes. La Scala n’était pas une salle que je fréquentais particulièrement, j’y suis allé quelques fois, sans plus. Mes cinémas se trouvaient à Belleville et à Ménilmontant où j’ai passé mon enfance. Elles avaient pour nom le Cocorico, le Belleville et le Florida, j’y allais surtout voir des Westerns. Ces salles sont aujourd’hui des supermarchés… Ma famille de naissance vivait modestement à Ménilmontant, j’ai eu le bonheur d’avoir une marraine qui travaillait dans le cinéma, c’était la patronne de mon père, un cuisinier vietnamien, mon nom de naissance est Tran Trong. J’ai souhaité par la suite prendre le nom de Tinchant, celui de ma marraine. C’est elle qui m’a donné goût au cinéma, lorsqu’il a fallu choisir un métier, je n’ai pas hésité, j’ai préféré le cinéma à la cuisine !

Après avoir été assistant chef de pub, j’ai créé ma propre agence de publicité spécialisée dans le cinéma indépendant. J’ai travaillé avec les plus grands distributeurs de films d’auteurs, Karmitz, Dauman, Frédéric Mitterrand. J’ai ensuite développé mes activités dans le domaine culturel. Je me suis occupé de la régie publicitaire cinéma de Pariscope, puis j’ai créé la régie pub culture de Libération en 1982. J’ai fondé une société de production puis de distribution et au milieu de toutes ces activités j’ai organisé de grandes fêtes à Cannes et à Paris, c’est comme ça que j’ai créé la fête du cinéma pour Jack Lang en 1985.

Il ne vous manquait qu’une salle de cinéma…

Oui, j’ai toujours rêvé d’avoir une salle de cinéma, j’ai produit plusieurs films tournés vers la question sociale (LIP l’imagination au pouvoir, Sur la piste de Carla etc. NDLR), donc, porteurs de débats. Je me voyais bien animer des débats sur ces films dans ma salle. Je suis autant à l’aise avec le strass et les paillettes qu’avec les sujets de société. Lorsque j’ai appris en 1999 que La Scala était à vendre je m’y suis intéressé car elle disposait de plusieurs écrans, 5 salles (255, 320, 168, 95 et 98 fauteuils) réparties sur 1800 m2. J’avais pour projet d’y installer un grand espace pour le cinéma indépendant à Paris (en partenariat avec la SRF, l’ACID et le CCAS NDLR). J’ai visité d’autres salles, mais elles ne me convenaient pas, Le Cosmos (aujourd’hui l’Arlequin NDLR), le République (aujourd’hui un Dancing le “Rétro République” NDLR), j’ai même visité le Louxor avec Fabien Ouaki, il avait de grands projets pour sa salle, un restaurant, une galerie commerciale (le projet “TATI art” NDLR)… Je ne souhaitais pas m’investir sur un seul écran, il fallait nécessairement que la salle dont je cherchais à me porter acquéreur ait plusieurs écrans, car économiquement ça n’aurait pas été viable. Il me fallait une affaire qui puisse tenir, j’avais plusieurs sociétés à gérer et je ne pouvais pas me permettre de prendre des risques inutiles.

En 1999, La Scala est à vendre…

En janvier 1999, je lis dans le Film Français que la salle du 13 bd de Strasbourg est à vendre. J’appelle le promoteur qui me fait aussitôt visiter le cinéma avec le propriétaire, M. Ossona, à l’époque c’était une très grande salle porno. Je l’ai donc visitée le 11 janvier 1999, à l’ouverture des grilles à 14h, ce lieu était invraisemblable, on y croisait de drôles de personnages, je me souviens d’autant plus de cette première visite car un jeune homme tapinait dans la salle…

Emballé par la visite du lieu, j’invite alors le responsable du cinéma de la direction des affaires culturelles à la Ville de Paris à s’y rendre car je souhaitais que la Ville s’implique dans ce rachat. Le responsable la visite avec moi, j’informe aussitôt le maire du 10e Tony Dreyfus de mon intention et fais une proposition au promoteur. L’intérêt du projet de rachat résidait dans le fait que l’on pouvait se rendre propriétaire des murs ce qui n’est pas toujours le cas dans le cadre de projet de reprise. Je propose 10 millions de francs (1,5 millions d’euros), le propriétaire me rappelle quelques jours après afin de m’informer qu’un acquéreur, sans que sa qualité ne soit mentionnée, lui propose une somme plus importante : 12 millions de francs. N’étant pas en mesure de surenchérir, je renonce.


La Scala aujourd’hui

J’apprends peu de temps après que l’acquéreur n’est autre qu’une secte, l’Eglise Universelle du Royaume de Dieu, et qu’elle a le projet d’y installer un temple. J’informe aussitôt le maire du 10e et la Ville de Paris de la nature du repreneur. En février 2000, Le Figaro publie un article sur le rachat puis France 2 diffuse un “Envoyé Spécial” dans lequel on apprend que la secte dispose d’énormes moyens en Europe et au Brésil. Le reportage est édifiant sur leurs activités. La mairie du 10e organise dans la foulée un rassemblement devant la salle, des maires y participent, et le candidat à la mairie de Paris, Bertrand Delanoë, s’intéresse à mon cas et envisage que je puisse reprendre la salle. En mars, c’est au tour d’autres associations du quartier de se rassembler, dont l’association des Grands boulevards dont le Rex fait partie. J’apprends par la suite que le promoteur est lié à la secte et je comprends en partie la difficulté pour moi d’en être acquéreur.

C’est à ce moment là que vous organisez la mobilisation pour sauvegarder La Scala…

En mai 2000, nous créons pendant le Festival de Cannes une association de défense du lieu et ouvrons un site internet. Une pétition de 800 noms, pour l’essentiel du monde du cinéma, est adressée au maire de l’époque Jean Tibéri. Le maire refuse alors l’octroi du permis de construire à la secte pour la transformation de la salle, quelques travaux sont toutefois entrepris. Le 27 juin 2000, une nouvelle manifestation de cinéastes et de professionnels du cinéma est organisée devant La Scala avec la SRF et nous nous rendons, avec le petit train que j’avais loué pour l’occasion, au ministère de la culture pour la soirée d’ouverture de la Fête du cinéma.

Vous avez renoncé à votre projet de reprise ?

La salle a été vendue à la secte et faute d’avoir obtenu les permis de construire de la Ville, qui s’y est toujours opposé, le lieu est resté en déshérence, j’ai appris il y a 5 ans dans un article du Parisien, que la salle était de nouveau à vendre. Cette histoire ne m’intéresse plus, je suis passé à autre chose, racheter La Scala demande une énergie colossale, il ne reste plus rien de la salle, le lieu est vétuste pour ne pas dire épouvantable, mais c’est un formidable espace dans un quartier de Paris qui bouge beaucoup et où il y a peu de cinémas.

A noter : Malgré nos demandes répétées, l’actuel propriétaire du lieu, le mouvement sectaire « L’Eglise universelle du royaume de Dieu » a refusé toutes nos demandes de visite de la salle. L’EURD est mentionné dans le rapport de la Commission d’enquête sur les sectes de l’Assemblée nationale, enregistré le 22 décembre 1995 (ici).

Le + : A découvrir, l’un des derniers programmes de la salle de spectacle : La Scala (1930). (cliquez)

Etude de reprise, indépendante du projet de Maurice Tinchant, réalisée par l’architecte Frédéric Bezard (ici) http://fredericbezard.wordpress.com/projets/cinema-alternatif/

*Ornano 43, 43, boulevard Ornano dans le 18e arrondissement. C’est aujourd’hui un supermarché.

Sources : Guide Baedeker de Paris (1907), Bulletins municipaux de la Ville de Paris, « Music hall et café concerts A. Sallée et Ph. Chauveau, Bordas (1985), La Cinématographie française et Le Courrier cinématographique (1931-1936), Louis Sidney, Annuaires du cinéma. Merci à Frédéric Taillandier pour le programme de la Scala. Merci à Valérie Abrial et Dominique Blattlin.

Retrouvez la Scala sur notre carte « Cinémas de Paris » (ici). Cliquez sur + pour zoomer.

Agrandir le plan

LE RETOUR D’UNE BRASSERIE À BARBÈS avec JEAN VEDREINE

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La brasserie Barbès, le 5 mai 2015. Photo. Paris-Louxor (mise à jour, 05/05/2015)

Le rendez-vous a été pris au Mansart, le café de Pigalle que Jean Vedreine a ouvert il y a quatre ans et où il a forgé son expérience de cafetier parisien d’un nouveau genre. Sans être de la lignée des Auvergnats à Paris, Jean Vedreine, originaire du Cantal, incarne un type entrepreneurial. Son credo ? Racheter des affaires dans des quartiers en transformation pour en faire de nouveaux lieux. Il a ainsi accompagner le mouvement de revitalisation et de requalification des lieux de nuit à Pigalle, avec le Mansart donc, mais aussi le Sans-souci (1). Aujourd’hui c’est avec son associé Pierre Moussié, également propriétaire de cafés parisiens branchés, qu’il veut faire de Barbès son nouveau territoire.

Pour Paris-Louxor, Jean Vedreine nous livre sa vision de Barbès et du projet qu’il a concocté pour la brasserie qui gardera comme emblème le nom du quartier. Le toponyme est une véritable appellation.

Après la réouverture du Louxor-Palais du cinéma et désormais la brasserie, le carrefour Barbès renouerait-il donc avec son histoire ? C’est en effet un air « d’autrefois de toujours » qui souffle sur le quartier. Une logique de patrimonialisation bien contemporaine qui fait revivre des lieux emblématiques tout en s’intégrant à la dynamique propre au quartier, à sa dimension commerciale, à la foule qui le caractérise et au phénomène urbain qu’il incarne si bien. La brasserie devrait ouvrir ses portes jeudi 30 avril.

Comment êtes-vous arrivé à Barbès ?

Jean Vedreine : Cela faisait longtemps qu’avec mon associé, Pierre Moussié, nous regardions cet angle avec beaucoup d’intérêt, d’autant que ce carrefour est emblématique, à l’endroit même où nous avons construit la brasserie, se trouvait le Café Rousseau. Nous connaissions bien le Vano et son environnement de boutiques spécialisées dans la téléphonie mobile et les robes de mariées. A force de passer devant, en scooter, en voiture, on se disait que cette “dent creuse” était l’endroit idéal pour lancer une affaire et y monter un belle brasserie d’angle. Avec Pierre, on s’intéresse avant tout aux quartiers délaissés avec un bon potentiel. Nous avons une certaine expérience en la matière, mon associé a lancé Chez Jeannette, le Floréal, moi, le Sans-souci et le Mansart, dans des quartiers dans lesquels il n’y avait pas réellement d’offres. On aime bien être précurseur. Le projet nous a particulièrement enthousiasmé, car c’est l’un des derniers quartiers populaires où il est encore envisageable d’y bâtir quelque chose. C’est une superbe opportunité pour nous de pouvoir construire aujourd’hui, en plein Paris, une brasserie de cette taille-là à un carrefour comme celui de Barbès.



Comment s’est déroulé la reprise du lieu ?

Ce fut compliqué. Il y a eu tout d’abord ce malheureux incendie et ce n’est que deux ans après que l’on a pu racheter le fonds de commerce, cela a pris plus de temps que prévu. Ce gros incendie a causé des dégâts considérables qui ont eu pour effet de fragiliser principalement la structure, nous avons dû tout refaire de A à Z, tout ça a pris énormément de temps et d’argent. Il n’était pas envisageable pour nous de faire machine arrière. Ce fût un long chantier et l’on en voit enfin le bout aujourd’hui.

A quoi ressemblera la brasserie Barbès ?

A Paris, il y a la tendance des bistrots de chef, la Street food et au milieu, les intemporels… les brasseries. Je pense à la brasserie Wepler, à la Lorraine, ces vieilles brasseries parisiennes qui ont toujours traversé le temps, sans jamais avoir été branchées, sans être trop chics, mais toujours populaires. Des endroits où l’on peut manger sur le pouce ou s’offrir une assiette de fruits de mer à toute heure, c’est ça l’esprit brasserie. C’est pouvoir aller casser la croûte en sortant du Louxor où l’on trouve une chouette programmation, loin des blockbusters, c’est aussi boire un verre après une promenade en famille. Ce sera aussi un endroit où l’on pourra croiser des musiciens, qui, après un concert, pourront venir manger un morceau et boire un verre. Il y aura forcément de la musique à la brasserie Barbès, c’est une passion que nous partageons avec mon associé. Chez nous, on pourra venir comme ça, tranquillement, il ne sera pas nécessaire de réserver longtemps à l’avance comme cela arrive trop souvent dans les bistrots branchés parisiens, aujourd’hui quand on veut manger à dix, c’est la croix et la bannière, par exemple quand la famille monte à Paris, c’est toujours compliqué et on n’a pas trop le choix.

C’est l’avantage de la plupart des brasseries parisiennes…

Oui et c’est cet esprit là que l’on veut retrouver, comme jadis au Rousseau. Quand je vois les photos d’époque, c’était plein à craquer ! C’était il y a longtemps, cela n’a rien à voir avec ce que l’on peut connaître aujourd’hui.

Vous avez effectué des recherches sur l’époque, le café Rousseau, le Dupont, vous vous en êtes inspiré ?

Oui et non, mais il nous a semblé important de bien s’imprégner de l’esprit du lieu avant de l’investir. Ensuite, on va essayer d’y apporter notre savoir-faire, une bonne cuisine cool, tout en permettant de retrouver l’ambiance des brasseries d’époque. Pour nous il s’agit plutôt d’une mise à jour, à notre façon, de la brasserie telle qu’on la connaît et sans vraiment comparaison avec ce qui est fait aujourd’hui, même si l’on pense que tout est un peu poussiéreux et qu’il est temps d’apporter quelque chose de nouveau. C’est important pour nous que les gens puissent manger ou boire un café à n’importe quelle heure, sans contrainte.

Rez de chaussée de la brasserie durant les travaux (avril 2015)

À quoi ressemble la brasserie Barbès… on visite ?

Commençons par le sous-sol avec des toilettes réservés à la clientèle, un vestiaire-boutique avec une dame-pipi. C’est un petit détail qui a de l’importance pour nous. Été comme hiver, on est toujours embarrassé et l’on souhaite pouvoir déposer ses affaires en toute tranquillité. J’aime bien l’idée que l’on puisse aller au restau sans se préoccuper de ses affaires, si elles sont bien posées, s’il n’y aura pas de mains mal intentionnées ou autre. Là, on pourra déposer ses affaires et la personne en charge du lieu pourra également vendre des petites choses comme autrefois, deux, trois bricoles, au nécessaire de “premier secours”. Aujourd’hui, ce service a disparu, notamment en raison de la taille restreinte des établissements. On a la chance d’avoir de la place et c’est un service qui est proposé, pas forcé comme en boîte de nuit. C’est un petit détail sympa auquel on tient.

Au rez-de-chaussée, la brasserie, le restaurant avec un comptoir d’envoi, c’est à dire que pour boire son café, on s’installe à table. Pour ce qui est de l’office, nous disposons de notre propre chambre de pousse, d’un laminoir, nous fabriquerons notre pain, la viennoiserie et les feuilletages pour la cuisine, on proposera des fruits pressés à la minute.

Au premier étage, on a un salon cheminée, avec la partie restaurant, et ce sera la même carte qu’au rez-de-chaussée. Au centre de la salle, il y aura un comptoir avec bar à cocktail et de l’autre côté on pourra rejoindre le patio, un petit jardin d’hiver avec sa terrasse et une verrière qui s’ouvre. Au deuxième étage, un autre bar à cocktail un peu dancing, un lieu sympa avec une petite piste de danse, c’est la boîte dans la boîte ! (2) J’aime bien l’idée qu’après dîner on puisse monter à l’étage pour prendre un verre et s’amuser un peu, plutôt que de traverser Paris pour aller en soirée. Du deuxième étage, on peut accéder par un petit escalier au deuxième toit-terrasse qui servira de fumoir. Le mobilier a été fabriqué par la Maison Gatti (ici) qui fournit les terrasses parisiennes depuis les années 20. Tout le monde connaît leurs fameuses chaises bistrot (il attrape une chaise et nous montre le tressage, les finitions et la plaque en laiton sur laquelle est gravée le nom de l’enseigne) que l’on retrouve même jusque sur la terrasse du Chateau Marmont(3) à Los Angeles.

Vous avez conçu et imaginé la décoration ?

Oui, c’est une question qui nous intéresse naturellement, on voyage, on regarde ce qui se fait à l’étranger, on s’intéresse à la culture, à la musique. Notre métier c’est de vendre des saucisses et des demis, je grossis volontairement le trait, mais nous n’en sommes pas moins intéressés par l’image et la représentation du lieu. Les espaces ont été imaginés selon l’expérience que nous avons de leur fréquentation, de la circulation. Dès lors que nous avons un espace suffisamment grand il nous est plus facile d’imaginer tout cela. Par exemple, lorsque j’ai acheté le Sans-Souci, je voulais dès le départ mettre un baby-foot, mais je n’avais pas la place. Le problème s’est répété avec le Mansart, tant pis, je manque trois tables, mais je peux installer un baby bien qu’idéalement j’aurais aimé mettre un baby et un flipper.

Barbès vous donne l’occasion de réaliser ce que vous n’avez pas pu faire avant ?

Oui, c’est exactement ça, de plus Barbès, c’est Barbès ! Je suis tombé totalement amoureux du coin. Je ne sais pas comment cela va se passer, on verra bien, notre idée est de proposer quelque chose de nouveau. La police est très présente, on constate qu’il y a eu du changement depuis deux ans. Il n’y a quasiment plus de vendeurs à la sauvette devant l’établissement. Il y en aura toujours un peu, c’est comme ça. Je me souviens quand j’ai racheté le Sans souci, ce n’était pas facile au début, des mecs jetaient des canettes sur la façade, un mois après ça s’est calmé, doucement, sans qu’il y ait d’embrouilles. La brasserie sera un lieu ouvert et décontracté, ceux qui veulent venir pourront venir, sans problèmes. Un café, ce n’est pas une boite de nuit où l’on pourrait dire qui a le droit ou pas d’entrer, ce n’est pas notre rôle. Moi, j’aime bien l’idée que la clientèle se mélange, on n’est pas là pour changer le quartier.

Barbès a toujours fonctionné sur une accessibilité… c’était aussi un lieu où l’on trouvait pas mal d’Auvergnats, notamment à la Goutte d’or…

Exactement, ça a toujours été un lieu ouvert et l’habitant de Barbès est chez lui. Nous venons du Cantal, on est monté à Paris il y a douze ans. Il est vrai que c’est un quartier, comme tous les quartiers de bistrot, où l’on trouvait des Auvergnats, au Dupont Barbès (emplacement du magasin Tati NDLR) par exemple.

Vous avez eu des contacts avec les autres acteurs du quartier ?

Oui. Principalement avec le Louxor. On a eu l’occasion de les rencontrer, c’était très sympa, mais pour l’instant on n’a pas de projets communs, mais il est clair que l’arrivée d’une brasserie à Barbès va changer les choses, ce sera un nouveau lieu, ouvert le soir jusqu’à 2 heures du matin, où les spectateurs du Louxor pourront venir manger ou boire un verre. Il y aura forcément une dynamique commune.

Justement, quel est votre rapport au cinéma ?

Pour être tout à fait honnête, je suis plus passionné par la musique que par le cinéma, pour des raisons essentiellement liées à mon activité, mais je m’y intéresse suffisamment pour me rendre compte que la programmation du Louxor est de qualité et qu’elle fonctionne bien avec mes goûts musicaux, l’atmosphère qu’elle dégage, je pense aux vieux films ou aux films Art et essai.

Vous avez un objectif pour la brasserie Barbès ?

Un objectif ? Notre objectif est de lancer une affaire pérenne, on n’est pas venu pour faire un “coup”. L’objectif, s’il y en a un, est de la garder au moins 30 ans !

La brasserie s’appellera “brasserie Barbès” ?

On a pour habitude de ne pas dénommer un navire car le plus souvent les noms sont géniaux ! À une exception près, quand les noms sont trop compliqués, ce fut le cas de l’Oustal du Clos Saint-Martin que mon associé a rebaptisé le Parisien, mais le Floréal, le Mansart, s’appelait ainsi, tout comme le Sans-souci, avec Mémé Guerini, propriétaire depuis 1932. Quel intérêt cela aurait de changer le nom ? Pour la brasserie Barbès, ce sera “Barbès”, c’est fort Barbès, cela représente tellement de choses. Demain on dira, “je bois un coup à Barbès”, où “au Barbès”. Pour beaucoup ce sera une évidence.

___

1. Avant d’être un bar branché, ce fût le lieu d’un roman : La passante du Sans-souci de Joseph Kessel (1936). La vie tourmentée d’une réfugiée allemande fuyant le nazisme dans la France d’avant-guerre. Jacques Rouffio l’adapta au cinéma en 1982 avec e.a. Romy Schneider, Michel Piccoli et Gérard Klein.
2. Il est intéressant de noter qu’en reprenant l’expression la “boite dans la boite”, Jean Vedreine fait écho, avec une toute autre approche, au principe utilisé au Louxor pour insonoriser et protéger des vibrations du métro la grande salle principale.
3. un hôtel restaurant branché “à la française” construit dans les années 20 sur le modèle dit-on des châteaux de la Loire., Sophia Coppola y tourna son film “Somewhere”.


BARBÈS CAFÉS. AVANT TATI, LE DUPONT BARBÈS 2/2

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Le Dupont Barbès (1942) – Collection particulière. DR.

Au café, comme au cinéma, dans la rue, Barbès est, à toutes époques, un lieu vivant, un espace populaire de circulations, d’échanges, de commerces et de rencontres. Le Dupont, voisin du Rousseau, fut durant plus de cinquante ans, un acteur emblématique du carrefour Barbès-Rochechouart. Son propriétaire est l’inventeur de la brasserie moderne telle qu’on la connaît aujourd’hui ; un concept fondé sur une décoration soignée, un espace bien éclairé, des produits de qualité et un personnel accueillant.

La chaîne des cafés-brasseries Dupont a été fondée en 1887[1], par un Ardennais, Louis-Emile Dupont, deux ans après l’achat de son premier café parisien. En 1909, Louis-Emile reprend le café de la Maison Pierre Crouzet, à l’angle des boulevards Barbès et Rochechouart, pour ouvrir le Café Dupont. Là où, en 1877, Emile Zola y situa l’action de l’Assommoir, au café du père Colombe : “L’Assommoir du père Colombe se trouvait au coin de la rue des Poissonniers et du boulevard de Rochechouart. L’enseigne portait, en longues lettres bleues, le seul mot : Distillation, d’un bout à l’autre. Il y avait à la porte, dans deux moitiés de futaille, des lauriers-roses poussiéreux. Le comptoir énorme, avec ses files de verres, sa fontaine et ses mesures d’étain, s’allongeait à gauche en entrant ; et la vaste salle, tout autour, était ornée de gros tonneaux peints en jaune clair, miroitants de vernis, dont les cercles et les cannelles de cuivre luisaient.”[2]

Le Dupont vers 1909 – Collection particulière. DR.

Le nouveau café parisien d’après guerre

Le Café Dupont de Barbès est à l’origine un grand bistrot sans charme particulier, Louis-Emile le cédera en 1919 à son jeune fils, Émile-Louis, à qui il souhaite mettre le pied à l’étrier après avoir fait ses armes chez Monsieur Charton, propriétaire de la grande épicerie de la rue du Château d’Eau, si bien d’ailleurs, qu’il en épousera la fille du proprio. Le jeune patron est ambitieux, il veut, ni plus ni moins, réinventer le café parisien. Monsieur Emile, comme l’appellent ses employés, veut en finir avec le bistrot de quartier sombre et inhospitalier. Son idée est d’ouvrir les cafés, d’en faire des lieux de vie à part entière. Il les veut bien éclairés et richement décorés ; des lieux où l’on prend plaisir à se retrouver, pour faire société. Le tout avec des produits de qualité à un prix abordable et surtout, un personnel irréprochable. Il y tient. Le bonhomme n’est pas commode. Comme en témoigne cet échange paru dans Le Crapouillot en 1931. « Mon personnel est dressé. J’y ai l’œil. Je leur tombe sur le râble à n’importe quand. A trois heures du matin et il faut que ça brille ! ». La rumeur dit qu’il se déguisait en curé, homme d’affaires etc. pour surveiller ses employés et les mettre à l’amende en cas de manquements aux fondamentaux des établissements Dupont. On pense aussitôt à Monsieur Septime, patron paternaliste et exigeant, interprété par Louis de Funès dans Le Grand restaurant.

Le succès de la brasserie chic et populaire est fulgurant : Dupont-Montmartre (1923), Dupont-Clichy (1924), Dupont-Moka, place des Ternes (1925), Dupont-Métropole sur les grands boulevards, et même une brasserie sur les Champs Elysées, le Berry, puis le Dupont-Cambronne, Dupont-Latin (1934), Bastille, le Cyrano à Pigalle… Le succès de Dupont tient aussi à la modularité de ses brasseries, cette capacité à attribuer plusieurs fonctions en un seul lieu. Le café devient salon, restaurant, dancing, lieu de rencontre. De fait, on y abolit les conventions de rigueur dans les salons de l’époque, les classes sociales, on y rentre, on y passe, on échange ; il devient lieu de rendez-vous intime, un deuxième bureau, on y cherche l’inspiration et l’on s’y évade parfois en spectateur-rêveur de la ville en mouvement. La brasserie devient, à l’image de Barbès, un lieu de brassage social, un espace ouvert où chacun trouve sa place, que ce soit au comptoir ou en salle, M. Dupont, en bon commerçant, le revendiquait en ces termes à la Semaine de Paris[3] « Jouissez du confort, du service, du luxe, il est le même pour tous. Quelle que soit votre dépense ».

Chez Dupont, tout est bon

Le barman-restaurateur, comme il se définissait lui-même, a un sens aiguë du commerce et du public. Son goût pour la publicité et sa fine observation de la société font de lui l’inventeur de la brasserie moderne. Puisqu’il en est terminé du débit de boisson à la décoration incertaine, la nouvelle brasserie où l’on tient salon se doit de se trouver plus qu’un nom, moins commun que ne l’est Dupont.  À l’heure de la réclame comme on en trouvait, en grand en large et en peinture sur les murs de Paris, la brasserie se cherche un slogan pour se démarquer… ce sera “Chez Dupont, tout est bon”. La formule sonore et facilement mémorisable rencontre un succès immédiat. L’enseigne en reproduira l’acronyme sur sa devanture : Dupont-Barbès – Barman-restaurateur – TBE. Une marque, un slogan, il ne lui manquait plus qu’un moyen de communiquer et d’informer ses milliers de clients pour alimenter les conversations.. Les établissements Dupont éditèrent un journal mensuel “Dupont-Magazine”[4] destiné à la clientèle qui traitait de l’actualité de la vie parisienne et des brasseries Dupont, son tirage était de plus d’1 million d’exemplaires en 1935 !

La façade du Dupont Barbès avec la fresque de Cappiello en 1935 – Photo. Waroline.

Le nouveau Dupont Barbès

En 1935, Emile Dupont entreprend de rénover le Dupont Barbès. Il impose aussitôt son concept, l’ouverture accueillante tôt le matin et à bas prix dans un cadre luxueux. Le client sera accueilli par différentes pancartes minutieusement disposées en salle et sur le comptoir : “toujours prêt au plus bas prix”, « Asseyez-vous, reposez-vous, vous êtes chez vous ! », « Clients, mes amis, soyez les bienvenus et n’oubliez pas que chez Dupont tout est bon ! ». Décoration avenante, enseignes lumineuses et fresque gigantesque courant le long d’un grand bar métallique, le tout visible de l’extérieur, l’effet est garanti, difficile pour le passant de résister aux sirènes flamboyantes de la modernité fussent-elles publicitaires. Réorganisation de la circulation du personnel, « je suis le promoteur du sens unique en cuisine. Comme ça, je n’ai plus de vaisselle cassée dans les croisements » indique-t’il au Crapouillot[5] ; mais aussi de l’espace, office et cuisine sont installés au rez-de-chaussée derrière le comptoir, et non plus en sous-sol. Cette surface est désormais dévolue à une salle cosy, “Le Belvédère”, décorée de dioramas reproduisant de magnifiques vues de Montmartre surplombant Paris. Là encore, l’espace est primordial, offrir des vues panoramiques en sous-sol, pour que le client ait le sentiment de voyager… il fallait y penser ! Au Dupont, le café crème est bon marché, l’achat des marchandises se fait en gros, et l’on dépose même les croissants sur la table pour inviter à la consommation… Mais le plus souvent ils sont volés… Un moindre mal pour Dupont car cela fidélisait la clientèle, disait-il ! Des mesures qui ne manquent pas de rappeler la patte commerciale du fondateur de Tati[6], Jules Ouaki, qui en reprit les recettes et l’on se souvient de la célèbre tirade “Laissez venir à moi les voleurs… ce sont mes clients !”[7] sans oublier l’accroche qui incarne encore aujourd’hui Barbès “Tati les plus bas prix”.

Architectes de cinéma
La décoration du Dupont-Barbès est confiée à l’architecte et décorateur Charles Siclis[8], à qui l’on doit notamment des salles de cinéma comme le Pigalle et le Français (9e), les Ciné-Paris-Soir Clichy (18e) et Raspail (14e), le réaménagement du Chézy[9] (Le Village ou Gaumont-Village) à Neuilly sur Seine. Il collabora également avec son célèbre confrère Robert Mallet-Stevens sur le Ciné 37, une salle temporaire réalisée dans le cadre de l’exposition internationale de Paris en 1937[10]. A l’époque, nombre d’architectes de salles de cinéma sont sollicités pour construire et décorer cafés et brasseries. A l’instar de Marcel Oudin qui construisit la brasserie Pschorr (1900)[11], l’Ornano Grand Cinéma (1912), l’American Cinéma (1913) connu également sous le nom de Lynx, l’Artistic Pathé (1913), Oudin travailla également sur la brasserie Wepler. L’actuelle Fnac des Ternes est l’une de ses oeuvres, à l’origine c’est un grand magasin “A l’économie ménagère”[12]. Maurice Gridaine, successeur d’Oudin sur l’Ornano à qui l’on doit son style maritime Art déco[13] réalisa la brasserie Pigalle de la place du même nom et le cinéma la Scala en 1931. Le mobilier du Dupont Barbès est confié à la célèbre maison Thonet, connue pour l’iconique chaise bistrot, dessinée en 1859, dites chaise 14.

Le comptoir du Dupont Barbès avec la fresque de Cappiello en 1935 – Photo. Waroline.

Art et décoration

Comme pour les salles de cinéma de l’époque, l’endroit se doit d’être impressionnant. Siclis est bien plus qu’un architecte, c’est un créateur d’atmosphère, pour lui, le client est d’abord un spectateur que l’on doit mettre en condition avec les meilleures attentions. Ainsi, il choisit attentivement la nature et la couleur des bois, selon leurs effets de stimulation, tout comme il prend soin de la densité des éclairages, il éclairera les façades dès dix heures du matin, des jeux de miroirs etc. Il met en scène l’espace harmonieusement, pour créer les conditions idéales de la consommation. Dupont y ajouta ses conditions, fixant le comptoir à l’entrée « pour que les courants d’air accélèrent le renouvellement de la clientèle » aimait-il préciser.

Le comptoir du Dupont-Barbès est immense, il épouse tout du long la vitrine de la brasserie, surplombé d’une grande fresque de 22 mètres réalisée par le maître Leonetto Cappiello[14]. Connu pour avoir notamment réalisé les affiches Bouillon Kub et “Je ne fume que le Nil”. “Cette fresque puissamment éclairée devait être visible de l’extérieur au travers d’une immense verrière. Elle n’était pas tant destinée aux consommateurs du bar qu’aux passants de la rue. Elle devait être un appel.” précise le designer Jacques Viénot[15] dans la biographie qu’il consacre à l’artiste. La fresque évoque un Montmartre festif, témoignant de sa diversité, le long duquel une joyeuse compagnie danse gaiement. Tout commence par les artistes du flamboyant cirque Médrano, des clowns, des trapézistes, deux chevaux effectuant une ruade et leur dompteur, puis l’on poursuit sur le boulevard à la rencontre de musiciens de Jazz en noir et blanc jouant avec entrain. Derrière eux, deux corps s’étreignent dans un bosquet à l’abri de l’agitation urbaine. La fête bat son plein, on y croise pêle-mêle un Tarass Boulba sautillant, des convives en veste chinoise brodée, des serveurs souriants, des cuisiniers toqués, une farandole de femmes en robes d’été et coupes à la garçonne. Les fameuses danseuses de French Cancan ferment le bal de ce superbe ruban décoratif aux tons chauds. Autour, les nombreuses glaces de la brasserie Dupont redéfinissent la perspective pour mieux repenser la notion d’espace. La salle est conçue en paliers afin d’élargir le champ de vision, un café avec vue panoramique… comme au Louxor voisin, un puissant navire prêt à fendre la foule, des balcons en cascade donnant sur un grand écran. Ainsi Barbès s’articule, entre fiction et réalité, autour de deux espaces de projection. Le travail de Charles Siclis sera récompensé l’année suivante, en 1936, du nouveau Prix des façades et devantures.

Dupont-Barbès sur les murs de la brasserie, 1951 – Noir et Blanc. DR.

En 1951, gros coup de projecteur sur la brasserie. Le cinéaste Henry Lepage réalise “Dupont-Barbès” avec Madeleine Lebeau[16] et Henri Vilbert. L’histoire d’une prostituée qui organise un chantage à la paternité auprès d’amants rencontrés dans la brasserie Dupont. L’affiche est réalisée par Boris Grinsson, elle ornera la façade de la brasserie, surmontée de néons, lors de la sortie du film avec ces mots : “Dupont-Barbès, un film sensationnel. Passe au Palais-Rochechouart”. Cette salle, située au 56 du boulevard Rochechouart (actuellement Darty), est l’une des plus belle du quartier. Dotée de 1 660 places, elle appartient au circuit Aubert depuis son ouverture en 1912. Un jeune Violoniste, Stéphane Grappelli, y joua à ses tout débuts, la partition de Monsieur Beaucaire, un film muet avec la star Rudolph Valentino.

Dupont et Dupont

Outre ses qualités de barman-restaurateur, Monsieur Emile fut également maire de Muids[17] une petite commune de 500 âmes à 100 kilomètres de Paris. Emile Dupont gérait sa ville en « bon père de famille » comme on disait à l’époque, une expression qu’il aurait certainement revendiqué tant il veillait au bien être de ses administrés[18], comme s’ils étaient ses employés… Pas de contraventions chez Dupont, le garde champêtre déposait des « papillons », des avertissements avant verbalisation ; la commune mettait à disposition des carnets de réclamations, comme dans ses brasseries, où tout un chacun, touristes ou citoyens, pouvaient y déposer suggestions et critiques. Il y installa même une plage en bord de rivière où il paradait parfois en costume de marin. On l’appelait l’Amiral. Un brin mégalo il avait son propre blason, dont l’écu était orné d’un pont entouré de grains de café. Un personnage haut en couleurs que l’on aurait pu croiser chez Tati (Jacques) dans Jour de fête et dans Mon Oncle. Touche à tout, grand voyageur, cet homme aux allures de « Monsieur tout le monde », se devait d’avoir aussi un avis sur la politique. “Le mal dont souffre la France vient des abstentionnistes” rapporte la revue “Noir et blanc”, en 1955,  il poursuit “Pénalisons donc tout électeur qui ne remplira pas son devoir électoral – sauf cas de force majeure – d’une amende de 5 000 francs au premier tour et de 10 000 francs au second”… la proposition ne fut pas retenue.

Monsieur et Madame Dupont en 1955. DR.

De la brasserie à Tati, toujours les plus bas prix

Durant les années 50, le concept lancé par Emile Dupont est désormais monnaie courante, maintes fois copié, il lui est difficile de se renouveler, de se réinventer. A cette époque, on imagine la restauration moderne à l’américaine, en snack, grill et self-service, le mouvement navigue à contre courant de ce qui fit le succès des brasseries Dupont. Face à la crise et à une concurrence de plus en plus rude, sans héritier, Dupont passe la main de la brasserie de Barbès en 1961. Le 1er juillet 1961, nous rapporte Le Monde, Emile Dupont offre une participation de 10 000 nouveaux francs pour sauver l’œuvre de Leonetto Cappiello, alors qu’il en faudrait cinq fois plus pour la détacher du mur et la maroufler pour assurer sa conservation. La fresque ne sera malheureusement pas conservée. Dupont cède la brasserie à Monsieur Portefaix, mais peu de temps après, ce dernier se voit retirer le droit d’utiliser l’enseigne Dupont au motif qu’il ne répond pas aux canons de la chaîne de brasseries nous rapporte Madame Foulquier, propriétaire du Paris-Barbès, la brasserie qui succéda à la gestion Portefaix en 1962. Elle poursuit, “Avec mon mari, nous avons racheté le fonds commerce à Monsieur Dupont et géré durant 25 ans cette grande brasserie du carrefour Barbès-Rochechouart. Jean-Pierre Melville y tourna même une scène de L’Aîné des Ferchaux (1963 ndlr) avec Jean-Paul Belmondo. Après le décès d’Emile Dupont, sa veuve nous a proposé d’acheter l’immeuble, les travaux à effectuer étaient importants, tout autant que l’investissement.” C’est finalement Jules Ouaki, fondateur des magasins Tati depuis 1948 [21], qui achètera l’immeuble dans ce qui deviendra quelques années plus tard le navire amiral de l’enseigne. Tati est alors en pleine expansion. “À la toute fin des années 80”, indique-t’elle “la famille Ouaki a refusé de nous renouveler le bail, nous avons été en procès durant 5 ans, puis nous avons quitté Barbès pour ouvrir de nouveaux cafés parisiens.” Tati s’installera par la suite et présentera ses bacs directement sur la rue, le client pourra toucher la marchandise, choisir parmi les vêtements en vrac, sans même entrer dans le magasin. C’est l’ouverture, à Barbès, d’un nouvel espace cosmopolite et populaire qui deviendra emblématique. Au plus bas prix, dans la continuité de Dupont. Mais c’est une autre histoire que celle de la marque au Vichy rose. À suivre.


Photogramme. Le Paris-Barbès et le Rousseau dans L’Aîné des Ferchaux de Jean-Pierre Melville (1963)

MAJ le 1er juin 2015 suite à un échange avec Madame Foulquier et M. Jean-Patrick Bertrand que nous remercions tous deux pour les informations apportées.
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A découvrir : Le menu du Dupont Barbès en 1950 (ici), avec l’aimable autorisation de Menustory.

Appel à témoignages : L’association PARIS-­LOUXOR vous donne la parole et vous invite à contribuer. N’hésitez pas à nous proposer vos témoignages, anecdotes, souvenirs, objets et documents sur le Rousseau et le Dupont Barbès (ici) ou par email à contact[at]paris-louxor.fr

Merci à Valérie Abrial, Jo S. Martin, Monsieur et Madame Tabaste, Alexis Orloff, E. Kariz, Menustory.com.


[1] Des tavernes aux bistrots, histoire des cafés (1997), Luc Bihl-Willette L’âge d’homme.

[2] L’Assommoir (1877) Emile Zola http://fr.wikisource.org/wiki/L%E2%80%99Assommoir/Chapitre_II La partie sud de la rue des Poissonniers a été intégrée au nouveau Boulevard Barbès.

[3] La Semaine de Paris, 21 avril 1933.

[4] Introuvable jusqu’alors, compte tenu du tirage, on ne désespère pas en trouver un pour vous le montrer sur cette page. Avis aux collectionneurs !

[5] Le Crapouillot, mars 1931, numéro “Voyage à Paris”. Avec notamment des contributions de René Clair pour le cinéma, Léon Daudet pour le Paris politique, Paul Poiret, pour la mode et son éditeur Bernard Grasset pour le Paris des lettres.

[6] qui succéda au Dupont Barbès

[7] Cité dans le rapport “Pratiques marchandes dans un secteur commerçant du 18e arrondissement de Paris. Production d’un espace particulier : Barbès.” Emmanuelle Lallement, DAP, Ministère de la culture, février 1997. Lire également du même auteur “La ville marchande. Enquête à Barbès” Editions Téraèdre, 2010.

[8] L’Art vivant, 1935

[9] avril 1931

[10] Entre nostalgie et utopie, réalités architecturales et artistiques au 19e et 20e siècles, JM Leniaud, 2005, Champion, Droz.

[11] un superbe édifice situé au 2, boulevard de Strasbourg qui fut détruit, par ce qu’il appartenait à un Allemand, au moment de la déclaration de guerre avec l’Allemagne en 1914.

[12] Puis Les Magasins réunis

[13] Aujourd’hui devenu un magasin Dia, la façade subsiste.

[14] http://www.lesartsdecoratifs.fr/francais/musees/musee-des-arts-decoratifs/collections/zoom-sur-1161/publicite/affichistes/cappiello-leonetto-1875-1942

Café des années 30, M. Lefrançois

[15] L. Cappiello, sa vie, son oeuvre (1946) Jacques Viénot, Editions de Clermont, préface de Jean Cocteau.

[16] Elle quitta la France en 1940 pour rejoindre le continent américain. En 1942, Madeleine Lebeau joue dans Casablanca, on la voit entonner, larmes aux yeux,  une émouvante Marseillaise, face aux soldats allemands dans la scène culte du film de Michael Curtiz.

[17] 1943-1944 et de 1945 à 1970. Il eut comme administré le romancier et dramaturge Tristan Bernard.

[18] Monsieur Dupont des cafés, Constellation, 1949.

[19] Son plus grand malheur. Il perdit son fils Louis en 1942 dans un accident de la circulation.

[20] Cité dans Amedeo Modigliani : 1884-1920, 2000, biographie de Christian Parisot

[21] Jules Ouaki ouvre son premier magasin Tati au 22 boulevard Barbès. Une affaire de famille, Libération 30 août 2003 par Nathalie Bensahel et Frédéric Pons.

TATI. ICI, C’EST BARBÈS

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Jeudi 4 mai 2017, devant le magasin Tati de Barbès. Alors que les salariés de Tati se mobilisent pour sauvegarder leurs emplois suite à la mise en redressement judiciaire de la marque, nous publions un texte de l’anthropologue Emmanuelle Lallement sur les liens entretenus entre l’emblématique enseigne de Barbès et son quartier.

TATI ET BARBÈS : DIFFÉRENCE ET ÉGALITÉ À TOUS LES ÉTAGES

« Quel est le “monument” de la capitale le plus visité ? La tour Eiffel, le Louvre, l’Arc de triomphe ? Non, vous n’y êtes pas. L’institution parisienne qui a fait se déplacer trente-cinq millions de visiteurs l’an dernier s’appelle Tati, la grande surface de la fringue à quatre sous », titrait Le Figaro en 1987. Si tout le monde connaît, depuis plus de cinquante ans, les magasins Tati, ce n’est pas simplement parce qu’ils vendent à bas prix des produits de consommation courante. C’est aussi parce que « Tati, c’est le cœur d’un quartier à l’ambiance tropicale que Jules Ouaki a transformé. Barbès, sans les magasins Tati, ne serait plus Barbès » [L’Express, 27/09/1980]. Les gestionnaires de l’enseigne l’ont bien compris en adoptant le slogan « La rue est à nous », une manière de réaffirmer les liens entre les magasins et leur environnement urbain. Aujourd’hui, Tati traverse une crise. Si la chaîne s’est tournée pour un temps, avec l’aide de créateurs comme Azzedine Alaïa, vers une cible jeune et branchée, elle est aujourd’hui confrontée à la concurrence d’autres marques de vêtements bon marché. Des magasins ferment, remplacés par des enseignes de franchise internationales, Courir place de la République, Zara rue de Rennes, peut-être Gap ou H&M ailleurs. Mais comment imaginer le quartier Barbès sans Tati ? C’est à partir de ce cas que j’étudie les liens qui unissent un espace marchand et un espace urbain. Et si je me propose de montrer comment Tati « a fait » Barbès tel qu’on le connaît aujourd’hui, je fais également l’hypothèse que le type de relations sociales qu’engendre Tati dépasse les murs de ces boutiques et se retrouve plus largement dans Barbès. En quoi la sociabilité des magasins Tati est à la fois l’effet et la cause d’une urbanité spécifique dans cet espace désigné sous l’appellation « Barbès » ? Dans la perspective mise en œuvre par Michèle de La Pradelle [1996, 2002], je reprends l’idée que les relations marchandes engendrent des champs de rapports sociaux spécifiques qu’il s’agit de décrire [Bazin, 1996] et je me propose de la mettre à l’épreuve dans l’examen de ce coin du 18e [1] …

Un espace marchand et un quartier

« La rue est à nous », c’est ce qui s’offre à la vue dès qu’on approche du boulevard Rochechouart, en sortant du métro aérien, d’où l’on voit déjà le spectacle du commerce. En effet, autour des magasins Tati qui jalonnent ce boulevard, sur les trottoirs exposant des marchandises de toutes sortes – de la serviette de bain aux collants, de la casserole en inox au calendrier décoré –, c’est le règne du « commerce de la rue ». Dans un désordre apparent, ballet de bacs à roulettes bleu et rose, savamment disposés les uns contre les autres, vendeurs et clients de Tati vont et viennent, sans se soucier du trafic automobile pourtant dense sur cet axe de circulation. Les clients sont attentivement surveillés par les vigiles qui semblent contenir la foule et délimiter le territoire. À croire que l’espace marchand déborde sur la ville elle-même. Les numéros des différentes enseignes au logo Tati (« au 8, vous avez la lingerie, au 12 c’est les bijoux, jusqu’au bout vous en avez », explique une vendeuse du « 10, espace homme ») font office de numéros de rue. La rue Belhomme séparant le magasin femme du magasin homme semble avoir perdu son statut de rue : les voitures ne s’y aventurent guère au milieu des livraisons incessantes de marchandises, des allées et venues de vendeurs et des clients qui, le nez au vent, circulent d’un bord à l’autre, comme s’ils « faisaient » les vitrines d’un centre commercial ou flânaient dans les allées d’un marché. La rue Belhomme semble davantage appartenir aux magasins Tati qu’aux quelques immeubles d’habitation (rares parmi ceux occupés par les bureaux ou la cantine du personnel de l’enseigne) ou qu’au « café de monsieur Luis », certes bistrot parisien, mais surtout extension de Tati, pour employés et clients. Cet univers, composé d’une succession de magasins et de stands extérieurs voyant défiler toute la semaine une foule d’individus de toutes sortes, parisiens et touristes, français et étrangers, habitants du quartier et extérieurs, consommateurs et flâneurs – et ceci dans un espace urbain caractérisé par la densité commerciale et par la présence de boulevards de circulation souvent embouteillés –, semblerait avoir quelques caractéristiques communes avec d’autres espaces parisiens : le boulevard Haussmann, par exemple, aux abords des « grands magasins ». Pourtant, il ne viendrait à l’idée de personne de comparer le Printemps avec Tati, encore moins peut- être le quartier des grands magasins avec Barbès.

Un grand axe typiquement parisien : commerces spécialisés et magasins populaires

« Ça, pour ça, ça a toujours été commerçant Barbès », lance Mme Le Marec à l’instar de beaucoup d’autres habitants anciens du boulevard ou des rues avoisinantes, avant d’ajouter : « Mais c’est vrai que c’est plus pareil, y’a pas à dire. » Depuis son deux-pièces situé au sixième étage d’un immeuble haussmannien – « mais du côté des chambres de bonnes, avec l’escalier de service et non l’ascenseur » – qu’elle habite depuis près de quarante ans, cette femme dit avoir suivi toute l’évolution commerciale du quartier : « J’ai tout connu ici, les bars et les cabarets, les artisans et les petits commerçants, le marché Saint-Pierre, l’ouverture de Tati et puis maintenant tous les bazars et les trucs étrangers. Maintenant, moi je vais rue Ordener pour trouver un vrai steak et un fromage. » La Goutte d’Or comme le boulevard Barbès, la rue de Clignancourt comme la rue Poulet ont connu jusque dans les années quarante une activité commerciale dense et « traditionnelle ». Comme partout dans Paris, les commerces se concentraient sur les grands axes de circulation, du centre vers les portes de la capitale. On y trouvait les deux grandes catégories d’activités : d’un côté, la vente spécialisée d’articles tels que la graineterie, la poissonnerie, l’ameublement, l’habillement ou bien encore les combustibles ; de l’autre, la vente de produits diversifiés, souvent adjointe à une activité principale. L’épicerie, l’habillement, le textile, la bonneterie et mercerie et les magasins dits populaires y prédominaient [2] . Le premier grand magasin, les Galeries Dufayel, fondé par un certain M. Crespin en 1856, reste dans les mémoires pour avoir donné au quartier Barbès son atmosphère de grande braderie permanente. Les Galeries Dufayel, aujourd’hui disparues, ont constitué ce premier « temple de la consommation » dans lequel, de la batterie de casseroles au mobilier, les ménages ouvriers pouvaient, à crédit, acquérir toutes sortes de biens de consommation courante. « Du palais de la rue de Clignancourt, une armée d’encaisseurs, registre sous le bras et encrier suspendu au gilet, s’élançait chaque matin à travers la ville pour encaisser les échéances hebdomadaires. Au faîte de sa gloire, Dufayel, arrivé à Paris en sabots, pouvait lancer à son conseil d’administration : “Moi, Messieurs, je ne travaille qu’avec les pauvres. Vous ne pouvez pas imaginer ce qu’il y a d’argent chez ces bougres-là !” » [Groetschel, 1995 : 25]. Tati est-il une sorte d’héritier des Galeries Dufayel ? Si le fondateur, Jules Ouaki, n’y a jamais ouvertement fait référence, lui aussi disait, à sa manière, que les « pauvres » étaient sa clientèle favorite, en affirmant dans la presse : « Faites venir à moi les voleurs ! » Mais le développement de Tati s’est fait dans un tout autre contexte historique.

Tati vu du Louxor

Histoire et légende de Tati

Arrivé de La Goulette à Tunis, Jules Ouaki a ouvert son premier magasin en 1949, 50 m2 boulevard Rochechouart, constatant que ce coin de Paris, certes populaire et miséreux, représentait un lieu d’appel. « Je voyais que huit personnes sur dix descendaient à Anvers et deux à Barbès, je me suis dit, il faut trouver un moyen de les faire dévier. Au début, les gens allaient à la Halle Saint-Pierre et venaient faire un tour chez Tati, maintenant, huit personnes sur dix descendent à la station Barbès. » [3] La famille Ouaki elle-même est à l’origine de la légende, rappelant volontiers que le nom « Tati » vient du prénom de la grand-mère, Tita, et ne manquant jamais une occasion de retracer la saga familiale : « 1948. Après des années de privation, la population française se presse aux portes des magasins. Mais tout achat représente encore un effort et elle hésite à franchir le seuil. Aîné d’une famille de neuf enfants, Jules Ouaki comprend parfaitement ces hésitations et invente le premier libre-service textile. Dès le début, les affaires sont prometteuses [...] dans ses petites boutiques, machines à casser les prix qu’il est en train d’inventer à coup de génial bon sens. » [4] Mais la presse a également largement participé à la construction de cette histoire, mettant l’accent sur les origines de Jules Ouaki : « Enfant de La Goulette, banlieue pauvre de Tunis, fils d’artisan bourrelier, Jules Ouaki ouvre son premier magasin à Barbès… Vingt-cinq ans plus tard les 60 m2 de Barbès seront multipliés par 100. Du boulevard de Rochechouart à la place Clichy, il a colonisé ce quartier en rachetant les uns après les autres bars louches et hôtels de passe… » [La voix d’Afrique, 10/1991]. Et, en septembre 1980, L’Express titrait « Le prince de Rochechouart » un article qui le décrivait « comme une sorte de chef coutumier, régnant sur un véritable territoire ». « Lorsqu’en 1948, Jules Ouaki s’avisa d’acheter des articles de lingerie en lots, de les regrouper en trousseaux et de les solder, qui aurait donné cher de sa peau de petit (1,68 m) débrouillard tragi-comique ? En ce temps-là, le quartier de Barbès était encore Montmartre. Le monde était divisé en “caves” et en “affranchis” (l’argot de la pègre au tournant de l’année 1945) » [Le Monde, 21/03/ 1992]. Jules Ouaki aurait, selon la légende, « assaini » le quartier, recevant de l’État français la médaille de l’Ordre du Mérite pour avoir débarrassé le boulevard de ses hôtels de passe et de ses tripots. Depuis la mort du fondateur, Éléonore, sa femme, est présentée sous les traits de la « gardienne du temple »:« Du patriarcat, on est passé au matriarcat », entend-on d’elle dans la presse [Le Monde, 20/12/1995].

L’association Tati-Barbès est certes explicable par des éléments objectivables [5], tels l’histoire de l’implantation de cette famille en France, sa spécificité culturelle, son rôle dans la France de l’après-guerre, dans l’essor du commerce à destination de la clientèle populaire et d’origine immigrée. Mais la légende, à la fois récit familial et récit médiatique, qui a longtemps fait office de success story, a contribué au lien symbolique entre le commerce et le quartier. Par la présence de Tati, Barbès apparaît presque aujourd’hui comme un nom de marque, connotant un certain type de commerce et d’atmosphère urbaine, qui n’est pas un monde de l’entre-soi. À la clientèle traditionnellement populaire (qui certes était déjà présente depuis Dufayel, Dreyfus et Moline du marché aux tissus Saint-Pierre) s’est jointe au fil des années une population d’origine immigrée, ensuite aussi une clientèle plus « branchée », jeunes urbains attirés par le côté décalé de la marque. La famille Ouaki a ainsi conçu un dispositif commercial à destination d’une clientèle la plus large possible et ceci en jouant sur la logique de l’ouvert, de l’abondance, de l’accumulation et du bas prix.

« On a aboli la vitrine »

« “Aux magasins Tati, tout valse” ! Les vitrines d’abord… Les comptoirs se répandent sur le trottoir et il suffit d’un pas de côté pour plonger jusqu’au cou dans des bacs aux étiquettes minimalistes, “le pull”, “la culotte”, au-dessus desquels semblent flotter comme des anges auxquels on ne demande pas leur sexe, les corps roses de mannequins en celluloïd » [Catalogue 50 × 50, op. cit.]. C’est bien cette idée de magasins aux larges portes grandes ouvertes qu’a eue Jules Ouaki dans les années cinquante, alors que la population française était encore habituée au modèle de la petite boutique et de son seuil à franchir [Coquery, 2000]. Dans les magasins Tati, les vitrines sont remplacées par des étals disposés sur le trottoir, comme sur un marché, dans lesquels les clients peuvent fouiller à volonté, sans souci de bouleverser un quelconque ordre.

« Ici, on casse les prix »

« Après les vitrines, on fait sauter les prix. Jules veut du bonheur pour tous, vite, et leur vend au plus bas prix, “une relation gagnant-gagnant” », souligne aujourd’hui le fils Fabien, PDG. Le « système Tati » a pu pendant de nombreuses années offrir « les plus bas prix » grâce à des marges réduites sur certains articles mais récupérées sur d’autres. « Si j’achète un stock de soutiens-gorge à 1,90 la pièce et que je le revends à 6,90, je récupère la marge que je n’ai pas faite sur des articles plus chers mais que je vends quand même au plus bas prix », explique le PDG. Ces « produits d’appel » ont longtemps eu leur vedette : le collant à 2,90 francs, dont le prix est resté inchangé des années durant. Vendre des produits à des prix si serrés tenait à une relation marchande qui, en amont, liait les acheteurs de la maison à des fournisseurs heureux de liquider leur stock et assurés d’être payés au comptant. C’est cette force d’achat érigée en « philosophie maison » qui permettait de vendre peu cher et, par conséquent, d’assurer une rotation rapide de la marchandise. « Si on voit qu’un produit ne fonctionne pas, c’est-à-dire qu’on ne vend pas une centaine de pièces dans la journée, on casse encore plus le prix, et si ça ne marche pas encore, on remballe », explique une vendeuse. C’est qu’ici, « on fonctionne par coup ».

« Tous sous la même enseigne »

Depuis le boulevard Barbès jusqu’à la rue Belhomme, les magasins Tati forment un ensemble, sur deux niveaux, de surfaces clairement délimitées entre lesquelles les clients sont invités à circuler librement. Le rez-de-chaussée compte une succession d’espaces désignés par de larges panneaux : « confection femme », « vêtement enfant », « hygiène », « lingerie », « maison » et « confection homme ». Chacun est aménagé au gré des emplacements des bacs amovibles qui tracent les allées parcourues par la clientèle. Suspendues au plafond, des pancartes renseignent sur l’organisation des rayonnages. Ici, les pantalons, là les jupes, plus loin les chemisiers, etc. Les clientes butinent d’un bac à l’autre, dans une relative promiscuité qui favorise quelques échanges de propos. « Ça vaut pas vraiment le coup aujourd’hui. Il vaut mieux revenir la semaine prochaine. » « Oh oui, vous avez raison. Y’a plus toutes les tailles. » Dans les rayons, des hommes et des femmes, de tous âges et d’origines différentes, déambulent à la recherche d’une bonne affaire à saisir. Au premier étage, rayon « mode femme », les allées sont plus clairsemées. Là encore, les clientes n’hésitent pas à fouiller, certaines étirant la dentelle des soutiens-gorge pour en tester la résistance. On se bouscule, on n’hésite pas à jouer des coudes pour trouver la bonne taille, pour sortir du bac ce qui a suscité tant d’énergie. Les articles mis en vrac dans les bacs et présentés sur des mannequins aux formes généreuses mettent en scène un temps hors saison et s’adressent à tous types de clientèle. Des hommes, originaires d’Afrique subsaharienne ou du Maghreb, occupés à acheter une grande quantité de collants ou de lingerie ou des touristes russes choisissant des combinaisons en satin, semblent tous avoir leur place au milieu des femmes, certaines en boubou, d’autres en tailleur, elles aussi affairées. Ici, on satisfait ensemble, réunis sous une même enseigne, des besoins qui, finalement, sont bien identiques, tout du moins équivalents, à ceux des autres. De la lingerie à la vaisselle, les deux espaces sont contigus. Des lots de bols, des poêles, petites, grandes, à crêpes, des plats à four s’exposent dans cet espace où chacun prête une attention redoublée. Les promotions sur les nouveaux arrivages sont séduisantes. On entend au haut-parleur : « Chez Tati, on peut laisser parler ses envies. » Ici, les envies seraient communes : vaisselle et couverts identiques pour tous, à petits prix, acquis à la même enseigne. Reste à savoir ce qui se passe concrètement entre les gens dans ces commerces. Car s’interroger sur les magasins Tati, c’est aussi s’interroger sur les logiques sociales à l’œuvre dans les différentes boutiques, entre les bacs de collants et les rayons d’ustensiles ménagers, entre les cabines d’essayage de la boutique de robes de mariée et les vitrines de Tati-Or.

Tati-Mariage : la mariée est toujours en blanc

Présentant sa large vitrine et ses portes vitrées grandes ouvertes sur la rue Belhomme, la boutique TatiMariage, inaugurée en 1995, est une des dernières-nées dans le secteur. Le pari consistant à « vendre du mariage » à bas prix pouvait paraître osé. A priori, il brisait un tabou imposant que la préparation de cet événement marquant d’une vie de famille interdise de consommer « à l’économie ». Mais l’expérience commerciale fut concluante pour l’entreprise Tati qui est, avec ses trente mille robes de mariée vendues par an, l’un des plus gros vendeurs en France. Sur une surface de trois cents mètres carrés, cet espace reprend les codes qui ont fait la renommée de la marque : profusion, abondance, bas prix. Ici la robe de mariée comme les accessoires qui l’accompagnent n’ont rien des objets uniques et « sacrés » des boutiques de mariage plus traditionnelles. Passé les étalages de chapeaux, nœuds papillons, pochettes, gants de satin, voilettes, les clients se voient proposer de multiples accessoires liés à différentes célébrations : faire-part de baptême, menus de mariage, cotillons, fleurs artificielles, écrins pour les alliances, dragées, etc. Plus des aubes et des croix en bois pour les futurs communiants ou encore des tenues complètes pour garçons et filles d’honneur. Ici, tout est marchandise et présenté en tant que tel : sur des rayons, dans des boîtes, étiqueté, faisant même régulièrement l’objet de promotions. Si un espace est consacré aux costumes des hommes, ce sont les robes de mariée qui sont au centre du dispositif. La collection, renouvelée chaque année, comprend une cinquantaine de modèles fabriqués pour certains en Chine, pour d’autres dans des ateliers situés, selon une responsable des achats, « à dix minutes d’ici ». Les magasins Tati rachètent aussi par lots, « au dixième de leur prix de revient », des invendus de marques célèbres. Toutes exposées sous plastique, les robes sont classées par taille, et les prix oscillent entre 129 et 299 euros. Les couleurs, les coupes et les matières sont facilement identifiables : du blanc et de l’ivoire, du long et du court, de la dentelle et de la soie. Aucune robe ne sort du lot, toutes sont équivalentes, uniformisées par leur présentation et leur prix. La plupart des futures mariées font leur choix en fonction du type de mariage [Raulin, 1997], de leur goût, de leur morphologie, mais également des avis des spectateurs. Car à proximité de l’exposition de robes, le vestiaire réservé aux essayages est en bonne place dans la boutique. Ce salon s’offre ainsi au regard comme une scène. Les futures mariées, Africaines, Maghrébines, Asiatiques ou issues d’une de ces migrations, Françaises, accompagnées chacune d’une vendeuse, revêtent dans les cabines individuelles, fermées d’un rideau de chintz, la ou les robes présélectionnées. Elles ressortent et marchent sur la moquette rose pour se voir dans un large miroir et pour être admirées par leur famille. Mais, en situation de spectateurs, tous les autres clients et accompagnateurs sont là. Les vendeuses s’emploient à faire participer tout le monde. « Allez-y mademoiselle, venez ! Mais avancez-vous, que l’on vous voie bien ! » Puis, à l’adresse de la mère : « Alors madame, comment vous la trouvez votre fille ? » Une femme répond à sa place : « Oh, comme elle vous va bien ! » Une autre, tout aussi extérieure à la famille, lance : « Ah moi, personnellement, je vous préférais dans l’autre. Mais bon, ça, c’est mon avis personnel. » La mère enfin, hésitante : « C’est difficile à dire. Je les aime toutes les deux. » La vendeuse entretient le jeu, cherchant l’assentiment dans le public tout en livrant ses conseils d’experte : « Avec ce modèle, il faut des gants longs, et puis aussi le cerceau sous la robe pour le gonflant, sans oublier le diadème. Pour les chaussures, il vous faudra du crème, vous verrez ça dans le rayon après… Tenez-vous droite, je vous lace le bustier. » Dans cette mise en scène, chacun semble jouer son rôle, la jeune fille dans le rôle de la future mariée, la mère dans celui de l’admiratrice émotive, le père en spectateur inexpérimenté, l’amie en accompagnatrice compréhensive, la vendeuse en spécialiste autoritaire, le public en partenaire interactif. Ces jeunes filles n’auront ni la même robe, ni le même mariage. Pourtant, ce qui compte dans l’instant semble être l’égalité dans laquelle tout ce petit monde est placé. D’abord les jeunes filles, en tant que clientes, sont chez Tati « toutes traitées à la même enseigne » comme aiment à le répéter les vendeuses, qui passent de l’une à l’autre avec un égal affairement. Ensuite, les parents font également l’objet d’un traitement similaire, égalitaire : tous mis dans la même position d’équivalence face à l’événement incontournable que représente l’achat de la robe de leur fille. Enfin, les spectateurs, amis, étrangers et pourquoi pas badauds, constituant un groupe et, en tant que tel, bénéficiant aussi d’un effacement relatif et ponctuel de leurs différences individuelles. Dans l’événement que représente l’achat de la tenue de mariage, il y a donc une égalité de principe qui réunit ces gens autour du salon d’essayage, spectateurs du ballet des jeunes femmes en blanc. Non pas que les individus soient égaux entre eux, mais bien plutôt que la situation marchande les place dans une situation égalitaire.

Tati-Or : de la consommation des différences à la consommation uniformisée

Dans la boutique Tati-Or, ce fut au contraire, pendant longtemps, non pas l’égalité des individus qui était affichée mais leurs différences. Inaugurée en automne 1994, cette bijouterie est bien dans le style Tati : portes ouvertes, abondance de marchandises, sans oublier les prix : « Des bijoux en or 18 carats certifiés par l’État à des prix Tati ! » proclame la publicité. Plus de 1 500 références d’articles sont présentées, allant de 1,50 euro pour un cœur en or à 1 500 euros pour une chaîne ornée de pierres. Les prix défient la concurrence sur une diversité d’articles : bagues, boucles d’oreilles, colliers mais aussi pendentifs pour tous les styles, toutes les nationalités, toutes les croyances. Croix catholiques et protestantes, étoiles de David, sourates du Coran, mains de Fatima côtoyaient les croix de vie égyptiennes ou encore les reproductions de cartes de la Guadeloupe ou d’Afrique et les signes astrologiques. Dans cette exposition exhaustive des signes, les lettres de l’alphabet, les représentations de ballons de football, de ballerines de danseuse, de bouteilles de Coca-Cola et d’animaux étaient en bonne place, sans oublier les porte-bonheur qui, des coccinelles aux fers à cheval et aux trèfles, en passant par les cornes d’abondance et les dés, se déclinaient selon la forme et la taille de 5,90 euros à 30 euros. Mais surtout le célèbre pendentif en forme de cœur, l’un des bijoux les plus vendus chez Tati-Or, a longtemps volé la vedette aux bagues en diamant et aux bracelets « trois-ors ». Quels qu’en soient le prix et la qualité, tous les bijoux étaient exposés sous vitrine, bien en vue de la clientèle, ici aussi très variée. C’était, semble-t-il, non pas l’égalité des individus qui était mise en avant mais bien plutôt tout ce qui, en quelque sorte, pouvait « faire différence ».

Un marché des différences s’instaurait dans la boutique. Les achats pouvaient être marqués : chacun pouvait être ou paraître différent en achetant un bijou marquant son appartenance à une religion, à un pays ou à une tradition, chacun pouvait aussi, dans le même processus, construire une image de l’autre en tant qu’étranger, en le voyant acheter une main de Fatima ou une croix de communiant. Pour autant, il s’agissait d’achat de marchandises exposées de manière identique, mises en scène dans leur équivalence logique, comme si le statut de ces objets était bien d’être inséparablement symbole (d’une religion, d’un signe astral…) et marchandise, à ce titre vendu, marqué d’un prix et d’un descriptif sommaire. Comme dans la vitrine d’une société multiculturelle, on pouvait, le temps de faire ses courses, « consommer » sa différence et être au spectacle de celle de l’autre, chacun ayant sa place ici. Le traitement équivalent de toutes les différences, dans un espace commercial accessible à tous et dans un quartier pluriethnique, semblait ouvrir un champ de possibles identitaires : la situation marchande permettait à chacun d’affirmer ou non une différence, de ce point de vue-là équivalente à celle des autres. La différence de tous engendrait de fait une situation égalitaire. Mais depuis 2002 la boutique Tati-Or a changé de dispositif commercial et se rapproche symboliquement de la boutique Tati-Mariage, dans sa capacité à produire de l’égalité, non pas à partir de la différence de chacun, mais à partir de la consommation d’objets identiques pour tous. Les bijoux « marqueurs d’identité » ont laissé la place à de la joaillerie plus « classique ». Les vitrines de mains de Fatima comme celles de croix et d’étoiles de David ne forment plus le paysage de la boutique, à présent disposée à l’image d’une bijouterie traditionnelle où les catégories de métaux et pierres précieuses organisent l’espace. Si les vitrines continuent d’être alignées les unes aux autres, leur contenu a changé : diamants au centre, émeraude, rubis, saphir autour. C’est dans une seule et même vitrine qu’on retrouve les porte-bonheur, les signes astrologiques mais également les bijoux dits religieux. Mise en équivalence avec les autres vitrines de chaînes en or, d’anneaux de mariage, de pendentifs, elle présente une catégorie de bijoux parmi d’autres, pas plus à part que celle des bijoux fantaisie dans n’importe quelle bijouterie. Ici, les individus, d’origines différentes, sont donc censés consommer les mêmes objets, à savoir des bijoux en or et pierres précieuses ainsi que quelques rares pendentifs « identitaires », réduits au rang de fantaisie au milieu des bijoux véritables. Ainsi, même et surtout à partir des différences de chacun, chez Tati, les gens consommeraient plus ou moins les mêmes choses, aux mêmes prix, dans un même lieu. Comme chez Tati-Mariage, est mise en scène chez Tati-Or une société dans laquelle une certaine égalité des individus est produite, circonscrite dans le temps et dans l’espace de l’échange marchand. Et cette égalité fictive est le résultat, non pas d’une égalité des individus, mais du traitement égalitaire des objets, des signes et des identités, dans la situation marchande.

Scène du film Neige de Jean-Henri Roger et Juliet Berto (1981)

Barbès : un vaste Tati ?

Qu’en est-il de l’espace urbain qui a vu naître ces différentes boutiques et qui accueille encore les probables derniers magasins Tati de Paris [6] ? Si Barbès reste indissociablement lié aux magasins Tati, c’est sans doute parce que la greffe a, en quelque sorte, pris [7] . Entre les années cinquante et les années quatre-vingt, les magasins Tati se sont étendus, ouvrant des boutiques plus diversifiées (voyages, lunettes, bijoux, jouets, robes de mariée). Sur le boulevard les boutiques de discount et les bazars ont profité de l’afflux de clientèle. L’essor de Tati dans un espace qui a toujours accueilli des populations immigrées semble avoir permis l’implantation de différents types d’entreprise commerciale. Après les Belges, les Espagnols et les Italiens, des immigrés maghrébins ont ouvert des cafés ou de petites échoppes, le plus souvent des épiceries dans lesquelles l’alimentaire côtoyait les objets culturels [Raulin, 1986]. Des juifs d’Afrique du Nord ont également créé des boutiques (bijouteries, étals de tissus). Ce lieu d’achalandage a donc attiré ce que l’on appelle l’entreprenariat ethnique [Ma Mung, 1996], favorisant une certaine spécialisation de Barbès en zone de commerces exotiques et ethniques [Raulin, 2000], mais sans pour autant exclure le commerce plus généraliste. Le boulevard Barbès et ses alentours sont ainsi devenus un lieu d’attraction pour une clientèle populaire mais diversifiée. Un quartier sur le mode Tati s’est donc peu à peu constitué. J’avais analysé [Lallement, 1999] la dynamique relationnelle à l’œuvre autour des bazars, des deux marchés alimentaires et des diverses boutiques qui composent cet univers urbain et j’avais montré que la mise en scène égalitaire jouait, là aussi, sur la rhétorique de la différence.

Barbès est un espace urbain sans réelles frontières et dont chacun peut produire une définition différente. S’il n’est pas à proprement parler un quartier, avec ses délimitations administratives, ses résidents et leur sentiment d’appartenance locale, c’est parce qu’il est avant tout un espace commercial, accueillant chaque jour des commerçants qui n’habitent pas sur place et des clients qui viennent d’un peu partout. Il apparaît comme un regroupement plus ou moins dense de vendeurs, de consommateurs et de badauds, qui se déploie à partir de la station de métro Barbès-Rochechouart. Qui plus est, ce lieu correspond à un type d’activités commerciales. Si, sur le boulevard Barbès, on voit un grand nombre de bazars et de soldeurs, cette forme commerciale tend à disparaître dans le quartier de la Goutte d’Or [Messamah et Toubon, 1990], davantage résidentiel, fait de petites rues et de formes d’habitat diversifiées. Rue de la Goutte d’Or, rue Myrha et rue des Poissonniers on trouve des petites boutiques spécialisées : épiceries africaines (affichant chacune une origine précise : Côte d’Ivoire, Ghana, Mali, etc.), boutiques de tissus orientaux et africains, boucheries musulmanes, pâtisseries orientales, salons de coiffure et de beauté africains, formant ce que l’on peut appeler une « centralité africaine » [Bouly de Lesdain, 1999]. Cette « ethnicité » n’est pas aussi visible à Barbès, comme si deux réalités urbaines différentes mais toutes deux fondées sur le commerce coexistaient à quelques pas l’une de l’autre. À Barbès, les enseignes des boutiques ne renseignent que rarement sur l’origine et aucune véritable spécialisation ethnique n’est affichée en tant que telle. Des tapis de prière côtoient des services à vaisselle Cristal d’Arques, le patron juif d’un bazar a souvent un employé maghrébin à ses côtés et le propriétaire de la poissonnerie du marché Dejean ne peut se passer ni de son vendeur sénégalais ni de son vendeur breton. Entre les magasins Tati, le marché Dejean, le marché aux tissus et les bazars des boulevards Barbès et Rochechouart, une logique d’ensemble semble se dessiner. En analysant les espaces micro-sociaux qui font Barbès (des étals de marché, des bazars…), il apparaît que l’échange marchand, en ce qu’il pose les partenaires dans une égalité fictive et formelle, ouvre un champ de relations où les signes distinctifs et notamment ethniques sont manipulés de manière à devenir le lot commun à tous. Parce qu’il s’agit d’échange marchand dans un lieu particulier où tout le monde vient d’ailleurs, chacun semble avoir sa place.

Au marché Dejean, à la sortie du métro Château Rouge, les bouchers présentent, dans de larges vitrines réfrigérées, des pyramides de cuisses de chèvres et des ailes de poulet en vrac. Les poissonniers disposent quelques filets de merlan à côté des poissons du Sénégal, souvent congelés, et vendus tels quels. Les stands de fruits et légumes, quant à eux, font rivaliser les patates douces et les piments avec les pommes de terre charlotte et les artichauts de Bretagne. Le temps du marché, lors des différentes opérations d’échange, vendeurs et clients jouent des rôles, souvent caricaturaux, qui reprennent les caractéristiques, notamment ethniques, des uns et des autres. Parce qu’on se trouve à Barbès, dans cet espace offrant des marchandises venues des quatre coins du monde, c’est le jeu autour de la différence qui apparaît comme la carte à jouer. Parce que tout le monde peut se dire d’ailleurs et revendiquer, dans le même temps, une identité ethnique particulière, le pion sur lequel chacun semble miser dans les relations est bel et bien l’identité. Le poissonnier, qui se dit « véritable Breton », sert une cliente d’origine africaine en lui lançant « Les Africaines, toutes pareilles, elles arrivent avec dix balles et elles voudraient repartir avec toute la came », ce à quoi il s’entend rétorquer « Chéri, pour les dix balles, tu penseras à me le vider le poisson ». Chez le vendeur de fruits et légumes, Faouzi aime catégoriser ses clientes selon une anthropologie qui lui est propre : « Les Maghrébines dures en affaires », « Les Françaises pinailleuses », « Les Africaines voleuses », « Les vieilles impatientes ». Quant au Ed de la rue, le vigile de l’entrée y produit également ses propres classifications : « doudou » pour les Africaines, « cousine » pour les Maghrébines, « mamie » pour les personnes âgées. Au marché Dejean, la différence ethnique, mise en avant, souvent soulignée comme simple élément du répertoire communicationnel, est évoquée au même titre que d’autres types de différences, de sexe ou d’âge. Elle semble ainsi perdre, dans les circonstances précises et éphémères du marché, le caractère discriminatoire qu’elle peut avoir dans d’autres situations sociales. Elle est au contraire une pièce centrale pour bâtir une sociabilité de marché, espace de fictive égalité.

Les bazars du boulevard Barbès, eux, exposent dans leurs bacs sortis sur le trottoir une abondance de marchandises hétéroclites, valises, tapis de salon, accessoires de beauté, ustensiles de cuisine, vêtements soldés, gadgets made in Taïwan. Ils font se côtoyer des produits culturellement marqués comme des gants et du savon pour le hammam et des marchandises internationales, à l’image des chaussettes en lots vendues à l’identique dans le monde entier. Autour de ces commerces se met en place non pas une société à proprement parler mais plutôt un « effet de société » [8] [Bazin, 1996]. Les différences sont surexposées dans l’espace public par la logique de l’accumulation. Elles sont détournées en tant que marchandises, vendues à des prix sacrifiés qui ne font pas la différence entre ce qui est à caractère religieux ou culturel et les gadgets (le service à thé oriental à 2 euros, le briquet à 1, la pierre d’alun à 0,50, la grande couscoussière à 30, le service à vaisselle Arcoroc à 20, etc.). Les différences arrivent ainsi à se saturer, formant un espace commun de consommation où, pour pas cher, ce qui est exotique pour l’un, et ordinaire pour un autre, est soumis au même statut, celui de marchandise à échanger. Finalement, les différences deviennent l’objet de consommation généralisée. C’est ainsi que l’on peut voir Barbès : le rassemblement d’individus qui se donnent à eux-mêmes le spectacle de leur propre diversité. Comme si le spectacle de la diversité des cultures garantissait, non pas une égalité réelle des gens, mais la production d’une forme d’égalité, certes minimale, mais nécessaire à l’établissement de relations marchandes. Les travaux de Sophie Bouly de Lesdain sur le quartier de Château-Rouge mettent en évidence une centralité africaine fonctionnant également sur une dynamique marchande qui s’établit à partir des réseaux africains. On voit donc que les mondes marchands produisent chaque fois des « effets de société » différents, mais jouant tous, d’une certaine façon, sur l’égalisation ou plutôt la mise en équivalence des partenaires, comme l’a montré Michèle de La Pradelle [1996] à propos des différents marchés de Carpentras. À Barbès, on aurait une égalisation produite à partir de différences multiples, tandis qu’à Château-Rouge, elle se construirait à partir d’une origine unique africaine.

Barbès serait ainsi un vaste Tati dans lequel, parce que chacun y trouve son identité, chacun accepte d’être traité de façon équivalente ; mais également, parce que chacun y est traité de la même manière, chacun peut y affirmer une identité. Cette façon d’être ensemble dans la ville, créée à partir de la logique commerciale, met en scène une ville à la fois multiculturelle et marchande, les deux dimensions étant ici interdépendantes. Théâtre de l’expérience citadine, vécue comme cosmopolite parce que marchande, nous voici au cœur d’une des modalités de production de l’urbain aujourd’hui.

Emmanuelle Lallement, « Tati et Barbès : Différence et égalité à tous les étages », Ethnologie française 2005/1 (Vol. 35), p. 37-46. DOI 10.3917/ethn.051.0037

Avec l’aimable autorisation de l’auteure.

Avant Tati, le Dupont-Barbès.

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1. Une première enquête de terrain a été menée entre 1995 et 1998. Une deuxième série d’observations et d’entretiens a été réalisée en 2002.

2. Sources : AFRESCO : Association fran- çaise de recherches et d’études statistiques commerciales, Étude, no 56, juin 1962 ; ainsi que les annuaires commerciaux de 1962 à 1968, Archives de la Ville de Paris.

3. Fabien Ouaki reprenant les propos de son père.

4. « 50 × 50 », catalogue de l’exposition photographique organisée en mai 1998 au musée des Arts décoratifs de Paris, à l’occasion du cinquantième anniversaire de l’enseigne, qui retrace l’histoire de ce « génial inventeur du discount tombé amoureux d’une jeune ouvrière hongroise avec laquelle il bâtira l’empire Tati » (éd. Steidl).

5. Il serait possible, dans une perspective d’histoire sociale, de montrer en quoi l’origine juive tunisienne de cette famille a son importance dans l’implantation de ce type de commerce dans ce type de contexte urbain : maîtrise de la langue française et position d’intermédiaire dans le contexte migratoire de l’époque mais aussi mobilisation de liens familiaux et communautaires.

6. L’entreprise Tati connaît actuellement une grave crise : à la baisse de son activité commerciale s’ajoutent les ennuis judiciaires du patron Fabien Ouaki, que la presse ne manque jamais de relater comme pour continuer à faire de l’histoire de cette famille et de cette entreprise une « saga ». Cf. « Tati ne voit plus la vie en rose », Journal du dimanche, 22/09/02 ; Libé- ration, 26/11/2003 : « Ouaki a tenté hier de rassurer des salariés délaissés depuis l’annonce du dépôt de bilan. »

7. Michèle de La Pradelle expliquait, au sujet du marché de Carpentras, comment l’identité locale de la ville était produite par l’événement que constituait le marché, mais elle notait que la question n’était pas de savoir si le marché était traditionnel ou pas, « car la question n’est pas de savoir s’il y a perpétuation d’une coutume ou implantation ex nihilo, mais si la greffe prend et pourquoi » [La Pradelle, 1996 : 359].

8. Un effet de société serait une situation qui n’est pas instituée mais régie par un jeu social particulier.

LA DISPARITION DU MÉRY

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Alors que la renaissance de l’ancien cinéma, puis salle de spectacle, Le Méry était attendue en théâtre Le Métropole… c’est finalement une salle de fitness “Episod”, concept-store des clubs Neoness, qui ouvre ses portes le 3 octobre, place de Clichy. Une salle de spectacle disparaît à Paris, sans un mot, sans un bruit. Retour sur la petite histoire et les derniers jours du Méry, salle de quartier du 17e arrondissement de Paris.

Le Clichy

Construit en 1935, “Le Clichy”, situé au 7, Place de Clichy -que l’on pouvait joindre en demandant à l’opératrice “Marcadet 94-17”- est un petit cinéma permanent de 345 places de style paquebot (Art déco), comme son voisin du 18e arrondissement, l’Ornano 43 réalisé par l’architecte Maurice Gridaine. La salle comprenait alors ce qui est aujourd’hui la Librairie de Paris. Le Clichy ouvre ses portes le 24 octobre 1936 avec un film de Jean de Limur “La garçonne”, avec Marie Bell dans le rôle titre (Monique Lerbier), Arletty, Suzy Solidor et Edith Piaf dont c’est la première apparition à l’écran. L’artiste chante “Quand même”… ce que les images n’osent alors montrer.

Extrait de la chanson “Quand même” interprétée par Edith Piaf dans “La garçonne” de Jean de Limur (1936).

“La vertu n’est que faiblesse, Qui voit sa fin dans le ciel, Je préfère la promesse Des paradis artificiels. [...] Que sous la drogue lentement, D’extase en extase suprême, Je m’approche implacablement Du sombre asile des déments. J’en prends quand même… [...] Mes sens inapaisés, Cherchant pour se griser, L’aventure des nuits louches, Apportez-moi du nouveau. Le désir crispe ma bouche. La volupté brûle ma peau…”

Le film est une adaptation à l’écran du roman éponyme de Victor Margueritte[1], ouvrage sulfureux publié 1922, évoquant ces femmes qui veulent vivre pleinement leur vie, à une époque où la question de leur émancipation déchaîne les passions[2]. En 1923, une première adaptation cinématographique d’Armand du Plessy fut censurée dès sa sortie, le film (aujourd’hui disparu) est jugé “corrupteur” notamment pour “attouchements indécents” et “danses lubriques”. Le rejet des conventions de la haute société, l’amour avant le mariage, l’infidélité, les paradis artificiels et la bisexualité en toute liberté, voilà de quoi secouer la morale bourgeoise de ce début des années 1920. La version de 1936 (dont l’affiche indiquait en toutes lettres “Pas pour enfants”), tout comme celle de 1957 (interdite au moins de 16 ans) de Jacqueline Audry, échappera à la censure en évitant soigneusement de montrer les étreintes féminines. Le roman, les pièces et les films, portés par le parfum de scandale, furent des succès. Un film de choix pour lancer la carrière du Clichy.

La semaine du 14 juillet 1939, le Clichy projette le film “Le monde en armes” de Jean Oser (monteur de “L’Atlantide” de Pabst en 1932), qu’il qualifie dans ses publicités d’une “brûlante actualité” et un vaudeville au titre plus fantasque…  “Trois artilleurs à l’opéra”. La guerre sera déclarée à l’Allemagne nazie, le 3 septembre. Son voisin, le Gaumont Palace, jouait également du pistolet cette semaine-là avec “Le brigand bien aimé”, western sur la vie de Jesse James tourné en Technicolor avec notamment Tyrone Power et Henry Fonda et “Marthe Richard au service de la France” l’histoire d’une espionne française infiltrée durant la première guerre mondiale, avec Edwige Feuillère et Erich Von Stroheim. La programmation du Louxor se révélera pour sa part plus légère avec un “festival de la joie et du fantastique”.

Le Méry

Le Clichy fermera à l’été 1963 après une carrière de cinéma de deuxième exclusivité pour rouvrir deux ans plus tard sous le nom de “Méry” en hommage à Méry Boublil, la nouvelle directrice des lieux. Après rénovation et transformation, en 1965, Le Méry dispose alors de 250 places, pour sa réouverture il projette “Le Souteneur” (Il Mantenuto), une comédie réalisée par le comédien Ugo Tognazzi. En 1979, alors que s’entame la lente disparition des salles de cinéma de quartier, le Méry se recycle, comme de nombreuses autres salles sur le déclin, en cinéma porno, il est de nouveau modifié pour y accueillir des projections permanentes de 14h à minuit. Il éteint définitivement son projecteur en 1996 dans l’indifférence la plus totale. L’ambiance des années X du Méry sera portée à l’écran quelques années plus tard, en 2002, dans le film de Jacques Nolot “La chatte à deux têtes” (présenté à Cannes dans le sélection “Un certain regard”). Le réalisateur témoigne au moment de la sortie du film “[Le Méry] un lieu d’une grande gaieté, très fréquenté avant sa fermeture. J’y allais moi-même pour écrire. Les gens venaient en couple à l’époque, maintenant ils vont dans des clubs échangistes. »

Le ciné porno comme lieu de rencontre et d’échanges amoureux, à l’instar de la Scala [retrouvez ici et l’histoire de la Scala] autre cinéma qui a connu un passé classé, une activité qui perdure encore aujourd’hui à l’Atlas (actuellement à la recherche d’un repreneur) de la place Pigalle, qui a su s’adapter à la désaffection des salles de quartier, entamée par la télévision, la vidéo puis internet, pour se recycler dans le divertissement-écran de la rencontre souterraine comme en témoigne ce reportage embarqué du site Vice.com. En 2003, une nouvelle rénovation est entreprise, de cinéma, il devient théâtre sous l’impulsion du producteur Mendy Younes. Les 240 places seront désormais dédiées au café-théâtre et à la chanson, Richard Bohringer, Chantal Lauby ou encore les chanteurs Renan Luce et Arnaud Fleurent-Didier, pour ne citer qu’eux, s’y produiront.

Le Métropole, projet fantôme

Nouvelles difficultés… notamment avec la propriétaire des murs avec laquelle le gérant est en litige… rideau. Le nouveau Méry ferme en 2010. Il est par la suite racheté en 2015 par la société de la responsable des activités de l’homme de télévision et producteur Arthur, autour d’un nouveau projet “Théâtre Le Métropole”. Site internet flambant neuf, communication en façade, le nouveau théâtre, dont le projet serait d’ouvrir une sorte d’“Arthur Comedy Club” est annoncé pour 2017. Le dossier est alors confié aux cabinets d’architectes VIA35 et Skylines. Les premières ébauches disponibles sur le site de Skylines évoquent l’esprit du projet. Une salle de spectacle de 300 places, sur 1000 m2 de surface, à l’image des théâtres de Broadway, avec une devanture ornée de néons, des portes en bois sculptées, un lustre en verre, des tapisseries et une typographie Art déco.

EPISOD, concept-store

Quelques mois après le la mise en place de la communication de façade, tout se fige, et en toute discrétion, le grand panneau “Théâtre Le Métropole. Opening Soon” est démonté au printemps 2017. En septembre, surprise, des habitants du quartier nous informent que l’historique “Clichy”, dont le bâtiment n’a jamais été inscrit ni classé, s’apprête à devenir… une salle de fitness comme en témoignent les panneaux d’information du chantier : “Travaux de modifications de surfaces et façades d’un local existant, anciennement un théâtre et donc assimilable à un CINASPIC (NDLR Constructions et Installations Nécessaires Aux Services Publics d’Intérêt Collectif) en vue de l’aménagement d’un club de fitness”. Tout réside dans le “et donc”. Il serait ainsi possible d’annoncer la construction d’un théâtre puis de modifier en cours de projet le permis de construire, à la condition qu’il soit assimilable à un service public d’intérêt collectif, quelqu’en soit la nature. Dont acte. Ainsi, la société de salles de sport Neoness prend la suite de l’ex-futur Métropole d’Arthur et associés pour y lancer son premier concept-store de “sport à la carte” sous l’enseigne Episod, la salle ouvrira ses portes le 3 octobre prochain.

Cet ancien cinéma de quartier et salle de spectacle de la place de Clichy, disparaît sous le manteau. Pas de retour en arrière possible, rien ne subsiste de la structure d’origine, place désormais au concept, au “hub” et au sport selon son humeur. Du Clichy au Méry, jusqu’au dernier Episod, c’est dans cette salle, où les corps furent projetés, libérés, enlacés, aimés, mais aussi dégradés, qu’ils seront désormais bien entretenus. Ironie de l’histoire pour la garçonne Monique Lerbier…

Sauvegarder

La question se pose aujourd’hui de la disparition de ces salles de cinéma et de spectacle et de l’incapacité de préserver ces lieux de culture en raison du caractère privé de la transaction. N’aurait-il pas fallu, à l’instar de la Scala dans le 10e arrondissement, sanctuariser la destination du lieu à une activité culturelle ? Il conviendrait d’encadrer et de communiquer plus clairement sur toutes modifications des lieux de culture et de patrimoine, a fortiori lorsque ceux-ci ne sont pas classés. La question est aujourd’hui posée.

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Carte postale de la Place de Clichy, site « Ciné-façades » de Philippe Célerier
Merci à Dominique Blattlin pour le prêt des photos du Méry.
Illustration du projet du Théâtre Le Métropole, cabinet d’architecte Via35

> Commentaires, témoignages, documents, photos etc. sont les bienvenus.

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[1] Margueritte, par ailleurs président de la société des gens de lettres, se verra retirer, quelques mois après la publication de son roman, sa légion d’honneur décernée par Raymond Poincaré.
[2] La même année, lors d’un débat au Sénat sur le vote des femmes, l’un de ses plus farouches opposants, le sénateur Alexandre Bérard, déclarait que [leur] accorder le droit de vote ce serait “déclencher la guerre civile et sceller la pierre tombale de la République !”. Rien de moins.

[ARCHIVES] DE L’AUDACE avec JACQUES BRAVO

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Jacques Bravo dans son bureau de la mairie du 9e (2012). Photo. Frédéric Poletti pour PARIS-LOUXOR.

[ARCHIVES] Hommage. L’ancien maire du 9e arrondissement, Jacques Bravo, vient de nous quitter. Passionné de théâtre et de cinéma, nous l’avons rencontré en mars 2012, un an et demi avant la réouverture du Louxor. L’entretien est resté dans nos tiroirs, nous devions nous retrouver pour poursuivre cet échange, il y tenait, le temps nous a manqué, nous l’avons laissé filer. Nous publions aujourd’hui cet entretien inédit dans lequel Jacques Bravo parle avec passion de culture, de cinéma, de théâtre, du Louxor, et naturellement du 9e arrondissement.

Quel regard porte le maire du 9e arrondissement sur la réhabilitation du Louxor ?

Le 9e est un carré d’1,6 km de côté (Le maire prend une feuille et un stylo et dessine l’arrondissement), les personnes qui habitent dans les coins du carré ont toujours eu le sentiment qu’ils étaient plus ou moins loin du centre, c’est mathématique. Depuis que je suis maire, je suis très attentif à cette demande d’appropriation par les citoyens habitant aux extrémités de ce carré. Dès la précédente mandature, en 2001-2002, d’emblée, la question du Louxor a créé une dynamique dans le quartier. Il est extrêmement positif de constater que les habitants s’approprient leur quartier en faisant des propositions de toutes natures.

Un des intérêts du Louxor est qu’il est situé à l’un des quatre sommets du carré ; j’ai une vocation naturelle à regarder tout cela de très près, à écouter les gens. J’ai suivi pendant les premières années les réactions parfois surprenantes des citoyens qui exprimaient des exigences sur ce projet au risque, soit de le reculer dans le temps, soit de le compromettre. Il faut toujours écouter les critiques, les analyses mais il faut faire attention car il y a tellement de besoins sur Paris que si on manque son tour, le manège tournera et il faudra attendre. Je trouve que c’est un projet qui a été accompagné depuis le départ par une très grande motivation : certains mettent l’accent sur le lien social, d’autres sur l’aspect culturel, d’autres sur la dimension “lieu de rencontre” du Louxor, j’y suis très sensible. Les associations du 9e nous demandent d’avoir la possibilité d’y tenir des réunions, des conseils d’administration, des activités. On a tissé tout un réseau pour offrir la possibilité de mettre à disposition des salles.

Les comptes rendus de mandat, les conseils de quartier, il est important dans l’exercice de votre mandat d’aller à la rencontre de la population pour échanger, être en prise avec les réalités du terrain…

Oui, c’est très important. J’ai une pratique tout à fait comparable à celle de PARIS-LOUXOR (nos “pots de rencontre” NDLR), j’organise des “cafés citoyens”, j’annonce à la population que je serai à une certaine heure dans un café et vingt à trente personnes viennent parler de tous les sujets et notamment tout ce qui touche le lien social. C’est une très bonne pratique. Chaque année avec une de mes adjointes, nous réunissons les animateurs de quartier, nous faisons une première liste d’une dizaine de projets d’intérêt local, on en débat et on fait voter en fin de réunion en attribuant des points aux projets préférés. Aussi, lorsque je bâtis mon budget, j’en tiens compte et je respecte l’ordre choisi. Ça va loin, ce n’est pas qu’une simple information, c’est une délibération collective où l’on écoute les arguments des uns et des autres. Je ne suis pas quelqu’un qui craint les citoyens chaque fois qu’ils viennent se mêler des affaires municipales, au contraire, c’est une avancée dans les pratiques démocratiques.

Quel autre type d’exemple de la prise en compte de la parole des citoyens dans l’exercice de vos fonctions pouvez-vous nous citer ?

Très directement. Au pied de la rue de Steinkerque se trouve le square d’Anvers. Quand on descend le square d’Anvers, il y a une petite rue qui s’appelle Turgot qui arrive sur une placette en pente, que l’on retrouve d’ailleurs dans de nombreux films. On a lancé le projet, avec le conseil de quartier, d’aménager, d’améliorer et d’agrandir, le square d’Anvers vers le sud. Plusieurs projets avaient été proposés par des citoyens, des cabinets d’étude, les services de la ville etc. dont l’un était de créer une coulée verte partant du pied de Montmartre, rue de Steinkerque et descendant jusqu’en bas de la rue de Maubeuge. Le projet était très motivé, j’ai fait valoir que ce n’était pas très évident à mettre en place, que l’on n’aurait pas forcément les budgets pour le faire et qu’il y avait plusieurs étapes. On a eu un deuxième projet travaillé avec le conseil de quartier qui a été d’aménager à base de rectangles comme on le fait dans le midi dans les terrains en pente, et tout le monde est satisfait. On a eu des discussions entre ceux qui avaient une grande ambition et pas les moyens d’aller à terme, et cela impliquait toute une série de décisions, l’avis du préfet de police, la modification de la circulation, etc. versus aménager la place pour se la réapproprier et l’on a fait un apéritif musical pour fêter cette petite place ce qui a plu à tout le monde. Quitte à demander l’avis des citoyens, autant le demander tôt et travailler avec.

J’ai fait trois mandatures d’opposition dans cet arrondissement avant d’être maire ; je sais ce qu’il manquait à cette époque là pour que la vie associative, vive. Lorsque j’ai été élu maire, il y avait six associations dont les statuts avaient été déposés en mairie du 9e, il y en actuellement plus de 200. Les chiffres sont bruts, cela signifie surtout que la vitalité associative existe bel et bien.

Le 9e est un arrondissement où se déroulent de nombreux tournages…

J’y suis très attentif. Je viens d’en signer trois. C’est important pour les générations futures, je trouve que c’est un investissement culturel indispensable à la nation, je veux laisser un témoignage de ce qu’était le 9e dans ces années là. J’ai une attitude ouverte sur les tournages tout en étant très exigeant avec les équipes de la mission cinéma, on a trop de contraintes techniques. Le 9e plait beaucoup au cinéma, faut-il citer la place Saint-Georges, le lycée Jacques Decour, Condorcet etc., etc. Dans ma rue, près de la place Saint-Georges, il fut un temps, il y avait des tournages toutes les semaines. Il faut raison garder. Par ailleurs, lorsque dans un tournage on filme votre rue, vous avez toujours plaisir à aller voir ce qu’il en est advenu au cinéma, parfois cela peut réserver des surprises. Dans Monsieur Batignolles qui a été tourné rue d’Aumale dans le 9e, pour des raisons de perspective lorsque la porte s’ouvrait… elle donnait sur les jardins de la mairie du 14e !! Gérard Jugnot a été très à l’écoute des habitants, le tournage avait duré trois semaines, c’était particulièrement compliqué pour les riverains. Je lui avais proposé d’organiser un pot avec une séance, dans la rue, de son film. Le propos est toujours le même : l’idée était de faire en sorte que les gens s’approprient les choses. A chaque fois que j’en ai l’occasion, je demande aux cinéastes de faire un geste dans ce sens. A la fois, les tournages sur la place Saint-Georges, il y en a trop, et on a le droit à toutes les publicités pour le fromage où il faut nécessairement une fille en short très court sur le bord de la fontaine…

En 2005, la ville de Paris avait proposé aux mairies d’arrondissement la projection d’un film tourné dans l’arrondissement. J’avais demandé que ce soit La Guerre des boutons. Nous avions tendu, à l’ancienne, un drap blanc dans la cour de la mairie, 1 000 personnes sont venues, en plein air. Ce fut un véritable succès populaire. J’avais proposé un petit jeu qui consistait à identifier les séquences tournées dans le 9e ; à chaque fois qu’un lieu était identifié, une habitante ou un habitant se levait et disait “Point !”. C’était très amusant, le jeu était rentré dans le film !

Le 9e arrondissement dispose de nombreux lieux culturels, théâtres, cinémas… Il y a d’ailleurs eu jusqu’à jusqu’à 45 salles de cinéma dans l’arrondissement…

C’est un terrain passionnant ! Il y a eu un recul des petites salles de théâtre, celles des boulevards où l’on tuait tous les soirs, le boulevard du crime (République-Saint Martin-Bonne Nouvelle), vous connaissez la chanson “Vous voulez du crime et du sang, vous en aurez tous les soirs pour 1 Franc”. Historiquement dans les années 50-60, beaucoup de salles de théâtre sont devenues des salles de cinéma, puis elles sont devenues des complexes, et le phénomène s’est étendu jusqu’en banlieue, aux portes de Paris. Aussi, le nombre de places de théâtre sur Paris s’est évaporé, le 9e a été l’arrondissement qui a le mieux résisté.

J’ai calculé le nombre de places de théâtre et la répartition par arrondissement. Le 9e concentre 37% des salles de théâtre de Paris, ensuite vient le 14e. Le 9e a de grandes salles, et j’inclus, parce que ce sont des salles de spectacles l’Olympia, Mogador, le Casino de Paris, les Folies Bergère, l’Opéra et tous les théâtres à l’italienne de 700 places, Edouard VII, le Théâtre de l’Œuvre, l’Athénée etc. La population du 9e et très fière de travailler et de vivre dans un arrondissement culturel. Le dimanche matin lorsque l’on descend la rue des Martyrs, vous croisez nombre de personnalités de la culture. Je vais beaucoup au théâtre, j’adore le théâtre, la musique. Ce qui est plaisant c’est de pouvoir sortir et de tout à faire à pied : aller au théâtre, au cinéma, aller dîner, retrouver des amis… c’est un bonheur.

Dans le 9e, nous essayons de développer une pratique culturelle ouverte. Dans les équipements que l’on a réalisé, l’une de mes grandes fiertés est d’avoir travaillé sur une école au numéro 12 de la rue Chaptal située à côté du Musée de la Vie Romantique, un lieu superbe qui a un succès fou, j’y prends souvent mon café avec ma femme ou avec des amis. Juste à côté, il y a l’International Visual Theatre (IVT) d’Emmanuelle Laborit ; c’est un lieu d’apprentissage du langage des signes et d’expression théâtrale. On a construit cette bibliothèque pour enfants, c’est un lieu extraordinaire et tous les praticiens nous le disent. J’y amène mon petit fils dans ce qu’on appelle un “bain de culture” : les enfants évoluent dans une sorte de piscine gonflée et nagent littéralement dans ce bain de culture dans lequel on trouve des livres musicaux ; ils découvrent ainsi les livres, la musique. C’est un formidable outil d’éveil et de créativité ; je vous encourage à y aller. Voilà l’illustration d’une rue qui a pris une densité culturelle importante. C’est un exemple. J’ai le souci d’équilibrer les choses sur le plan géographique. On est dans un arrondissement très dense, très resserré, la plupart de nos équipements publics se trouvaient plus sur la partie est de l’arrondissement, vers la rue de Rochechouart, le conservatoire des musiques, le centre Valeyre, etc. Une de mes idées était de rééquilibrer à l’ouest et d’y développer toute une série d’équipements scolaires, sportifs, culturels dont cette fameuse rue Chaptal. On ressent cette vitalité culturelle, ce désir de culture dans nos quartiers. Ainsi, quand le grand violoniste Laurent Korcia à l’occasion de la fête de la musique, ou autre, propose spontanément de jouer avec son quatuor dans la cour de la mairie, il y a 500 personnes ! Quand Marie-Christine Barrault lance dans le cadre du festival Paris en toutes lettres la lecture d’un texte sur son oncle intitulé Jean-Louis Barrault, 100 ans, c’est une soirée inoubliable. On a dans le 9e beaucoup de facilité et la population est très friande de ces rendez-vous culturels. Je relie le mot culture au mot citoyenneté, lorsque vous voyez le Carnaval des enfants où des enfants chantent dans toutes les langues, où toutes les cultures se mélangent, je me dis que notre République peut par moment s’exprimer positivement.

Justement, à Barbès on ressent fortement ce désir d’un regard plus juste…

Souvent on me dit, le Louxor, Barbès, c’est de l’autre côté, sur l’autre rive. Mon sentiment est que l’on a besoin, dans les quatre sommets de mon carré, de vivre quelque chose. Du côté de la Madeleine on a créé, avec une association rue Vignon, tout un tas d’activités tout comme on est en train de développer des projets avec la Pinacothèque. Tout ça pour dire qu’il faut envoyer un signal très concret aux gens qui sont du côté de la Madeleine bien qu’ils soient loin du centre, ils ne sont pas oubliés, c’est un quartier différent. Si je monte sur la place Clichy, entouré par quatre arrondissements, 8, 9, 17, 18e, on a fait des travaux, et j’en suis très heureux. Ca bouge. Tout le boulevard qui va de Clichy vers Barbès est mitoyen avec le 18e, on est profondément homogène, de l’un ou l’autre côté du boulevard, les gens traversent, vivent dans un même lieu, un lieu qu’ils connaissent. Nous avons la même ambition culturelle pour Barbès, qu’il y ait une appropriation de toutes les rives de Barbès ; il y a des gens différents, naturellement il faudra aménager des choses aussi concrètes comme la circulation des vélos et des piétons. Il faut permettre aux gens d’être ensemble, qu’ils portent des projets, qu’ils s’intéressent. Une autre extrémité du 9e, près du Rex, mène aussi une autre vie. Le 9e est un quartier très métissé et très populaire, la richesse c’est ça. C’est un territoire ouvert par nature. Les familles nombreuses du 9e achètent leurs fruits et légumes pour la semaine sur le marché de Barbès, il y a des itinéraires communs, des rencontres ; et sur le petit marché du vendredi, le long du square d’Anvers, c’est le plus petit marché de Paris qui marche le mieux !

Au début lorsque l’on parlait du Louxor et de Barbès, la première fois que je suis allé à une réunion quelqu’un a dit très gentiment, “il y a même le maire du 9e !”, sous-entendu Barbès était perçu comme une affaire 10-18e, mais vous l’avez vérifié j’ai été parmi les plus présents aux réunions sur Barbès. J’ai cette culture de l’autre rive, et lorsqu’il faut discuter d’arbitrages, on est plus fort à trois maires que seul ou à deux maires.

Comment travaillez vous avec les autres maires des arrondissements ?

Ce que je trouve très positif depuis 10 ans, c’est que l’on a supprimé les barrières : lorsque j’ai besoin de travailler avec la maire du 17e ou le maire du 8e, qui ne sont pas du même bord politique que moi, j’y vais. Nous sommes actuellement en train d’aménager la gare Saint-Lazare, l’enjeu est d’intérêt parisien, cela va bien au delà du 9e. Pour en revenir au Louxor, nous sommes trois maires, nous souhaitons travailler ensemble et émettre un signal, la culture se partage par nature et nous sommes ouverts, prêts à écouter les desiderata. Depuis le départ, je peux dire que c’est un projet qui nous occupe et nous intéresse. Nous avons eu environ 5 à 6 réunions par an depuis le début des années 2000. La ville a organisé plusieurs réunions, dont les réunions autour du carrefour Barbès organisées par le Secrétariat général de la Ville. Nous nous parlons avant afin de faire le point. Je crois savoir que ce n’est pas terminé. C’est une chance inouïe pour le Louxor d’avoir trois maires impliqués dans ce projet, c’est un atout considérable. Une telle configuration, ne s’est pas trouvée souvent depuis la Libération. Il s’agit là de conjuguer les énergies, d’avancer ensemble.

La culture est également touchée par la crise…

Lorsqu’il y a des difficultés, il est nécessaire de retrouver tout ce qui crée du lien social, tout ce qui amène l’homme à se dépasser. Je suis très humaniste et je dis en permanence qu’il faut remettre l’homme au cœur du village. Quand je regarde ce que je cherche à faire dans le 9e arrondissement, je retrouve l’esprit du Louxor. Je cherche à mettre en place des activités culturelles de qualité, j’ai cité Paris en toutes lettres, nous organisons des concerts, la Nuit blanche a eu un succès considérable cette année, je voudrais de l’audace, il faut que le Louxor soit un sujet d’audace. Je vais vous raccompagner tout à l’heure et vous montrerai une pièce vide… elle s’appelle “The Cube”, elle fait trois mètres sur trois. Dans cette salle, tous les deux mois on donne carte blanche à un artiste. Puisque les gens vont moins facilement à la culture, la culture ira à eux. Je me souviens, il y a un an ou deux, une artiste avait exposé un dispositif avec des tenues de mariées ; à tous les mariages pendant deux mois, les mariés se sont fait photographier au milieu de cette installation ! Ces audaces artistiques développent quelque chose de populaire.

Il y a de grands lieux de la culture à Paris, j’aimerais que le Louxor soit un lieu populaire. J’ai pris l’initiative il y a neuf ans de faire un festival Brassens, dans l’intégralité de son œuvre, il y avait 200 personnes au début, nous en sommes aujourd’hui à plus de 5 000 personnes, et c’est complet à chaque édition. Les balades imaginaires, Georges Sand, Chopin, Victor Hugo, on y raconte l’histoire en se promenant dans les rues de la ville. Hugo a failli se faire arrêter par la police juste avant son exil à Guernesey, il était rentré rue de Bellefond dans un immeuble dans lequel se trouvait un jardin qui communiquait avec la rue Milletone; quand vous expliquez ça aux riverains, de tous âges, votre quartier, votre ville vous semble alors plus proche, c’est une manière de se réapproprier son quartier. Les gens adorent ça. Le premier baiser d’Edith Piaf et de Marcel Cerdan, c’est au passage du Nord Ouest, en face du Palace. Autre exemple, le Casino de Paris se trouve rue de Clichy, le Théâtre de Paris se trouve à la même hauteur, sur la carte, sur la rue Blanche, les deux communiquent par un couloir. J’ai vu les directeurs des salles, et un jour, les artistes se croiseront ; c’est un jeu.

Il y a une petite avenue jardin, l’avenue Frochot, dans laquelle ont séjourné Django Reinhardt, Alexandre Dumas père, Sylvie Vartan, vous voyez comme je suis éclectique ! La belle grille et la belle façade ; c’était un théâtre de poche dans lequel a été créé Ouragan sur le Caine. Il faut permettre aux gens, aux habitants de redécouvrir leur quartier. A l’époque de Talma, 1800-1820, c’était le quartier Latin d’avant le quartier Latin ! Avant d’être maire, pendant quinze ans, j’ai organisé des visites du quartier à l’ancienne avec un mégaphone ! Je leur montrai mon 9e. Plein de surprises, de lieux cachés. Je ne pourrais plus le refaire aujourd’hui. Le 9e c’est tout une histoire, cela mériterait un film !

Mon prédécesseur, à chaque noël, payait une place du Rex aux enfants des écoles élémentaires. Les enfants allaient voir le Disney qu’ils auraient de toutes les façons vu en famille. Avec mon équipe, on offre une place de théâtre aux enfants, nous donnons Les Contes de Perrault, du Molière. Certains parents nous disent, « ce n’est pas possible, ils sont trop jeunes », je leur dis restez et regardez-les, vous allez voir ; à la sortie, les enfants sont enchantés. Une année, c’était un spectacle en langue des signes avec Emmanuelle Laborit, les parents doutaient, « ils ne vont rien comprendre, ce n’est pas de leur âge… » à la sortie, les parents étaient bluffés. La culture permet de se dépasser.

Pendant longtemps il y a eu un bâtiment qui était au 32-34 rue de Châteaudun, il appartenait à l’Education Nationale. C’est sur ce bâtiment caché par un préfabriqué que l’on y affichait les résultats des concours pédagogiques, un lieu bien connu des profs des années 1955 à 2005. Derrière ce préfabriqué, il y avait une superbe façade faite de dentelle de pierre, un endroit extraordinaire malgré son état à l’époque. Quand l’état a décidé de vendre le bâtiment, j’étais alors inspecteur de l’Education Nationale, je suivais cela de très près et leur avais dit que si j’étais nommé aux affaires municipales, on en ferait quelque chose de grand. Je l’ai fait racheter par la ville. Il y a désormais une crèche, du logement social et des locaux associatifs. Quand vous aimez quelque chose, cela se voit, les habitants du quartier sont vraiment très fiers, mêmes ceux qui n’y habitent pas sont enchantés de voir ce bâtiment enfin dévoilé.

J’aimerais que les écoles élémentaires portent un nom à Paris, c‘est pas le cas, c’est le cas pour les collèges et les lycées, et pour les écoles en province. Elles portent généralement le nom des rues, mais quand vous avez deux écoles dans la même rue… Si les écoles portaient le nom de personnalités ayant vécu dans le quartier ce serait plus vivant. Fernandel a par exemple habité au 15 du square d’Anvers.

Concrètement, comment faire, cela dépend du Conseil de Paris ?

Oui et pas seulement. Cela concerne beaucoup de monde mais c’est très contraignant, on ne peut utiliser le même nom pour une voirie et une école…

Vos premiers souvenirs de cinéma, premières images, premières émotions…

J’en ai un souvenir précis, c’est en moi. J’ai 5 ans, mon père était officier de marine, très bricoleur. Il avait bricolé un vieil appareil à projeter des films. J’étais le fils ainé et l’accessoiriste, naturellement j’en étais très fier. Chaque semaine, nous projetions Buster Keaton, Charlie Chaplin, etc. je les connais par cœur, à l’endroit, à l’envers; c’était le bonheur. C’était mon cinéma Paradisio du jeudi (le mercredi de l’époque, NDLR). C’était un réel plaisir de la machinerie et de la projection. On avait beau connaître tous les gags avec mes 5 frères et sœurs, les copains, c’était superbe. Mes premières images, c’est de revoir pour la Xième fois les mêmes images de Charlot et de me tordre toujours autant de rire. J’ai en tête aussi cette image de Charlot dans les Temps Modernes, ramassant un chiffon rouge, l’agitant et se retrouvant à la tête d’une manif bien malgré lui. Vous ne pouvez pas imaginer comme on raffolait de ces moments-là. J’y ai repensé récemment en voyant The Artist.

J’ai fait mes études dans un internat du centre de la France, puis je suis arrivé à Paris après avoir réussi les concours des grandes écoles. Pendant deux ans, j’ai tenu le record de ma promo à la Cité internationale du Boulevard Jourdan, en allant voir 3,2 films par jour ! J’allais au Champollion, Pour moi Paris, c’était le Champo. Je suis très bon public au cinéma. J’ai eu plusieurs périodes, les films d’action, historiques, les films romantiques. J’étais amoureux d’Aurore de Nevers dans Le Bossu, que j’ai vu un nombre incalculable de fois, j’ai beaucoup vu Sissi avec mes sœurs, mais Sissi n’était pas mon genre ! (rires)

Ma pratique du cinéma dépend de mon envie, de ma disponibilité, il peut m’arriver d’y aller une fois par jour… ou une fois par mois. Je reconnais que je vais souvent voir des acteurs lorsque je sais qu’ils ont été exigeants dans leur choix…

Comme Clint Eastwood… vous avez déclaré dans une interview que vous l’admiriez…

Oui je suis très Clint. Je ne partage pas les mêmes idées… mais son élégance, son allure, la manière qu’il a de traverser l’écran… oui, c’est un acteur que j’aime bien. Ma femme aime le cinéma plus que moi, d’ailleurs on a souvent les mêmes envies. Nous allons souvent au Cinq Caumartin, on sait qu’on y trouvera toujours un film à notre goût. Donc les gens peuvent savoir ce que j’aime au cinéma en allant au Cinq Caumartin ! Pour finir, un dernier mot sur la salle Le Louxor, je pense qu’il est important, de créer un climat d’exigence culturelle, de trouver des relais et des partenaires. Oui, il faut de l’audace, du mouvement, de l’ouverture et une grande écoute pour toutes celles et ceux qui veulent apporter positivement leur énergie, ce projet est magnifique, je sais que le soleil du Louxor brillera prochainement.

CINÉPHILES DU LOUXOR

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L'équipe du Louxor accueille les premiers spectateurs (18/04/2013) © Paris-Louxor

Qu’il est long ce silence. Aux dernières nouvelles, le monde sera encore là mardi prochain. Nous continuerons à nous adresser des messages quotidiens, des images de nos intérieurs ; de nos intimités confinées, à créer des moments uniques, à prendre des nouvelles de nos proches, de nos voisins, à penser à ceux qui triment, souffrent au quotidien, à ceux qui partent, des souvenirs difficiles pour demain. De cette exposition distanciée, on n’a vu que ce que l’on a bien voulu (nous) montrer. C’est tout un monde qui s’est exposé à nous, agité, bien que retenu par ce calme tendu d’un rythme à bout de souffle.

La ville prend son temps, rompant avec le flux permanent des circulations du carrefour Barbès.
Puis l’on a entendu ce silence, ce souffle si rare qui se faufile et déshabille une rue, une avenue, un parc, révélant des sons insoupçonnés, que seules les sirènes interrompent. Rues désertes, rideaux fermés contrastant avec la petite foule de badauds plus ou moins masqués des week-ends ensoleillés, de joggeurs déconfinés, et au milieu, le Louxor, figé, silencieux, faisant écho à ses trente années d’invisibilité.

Un cinéma, c’est une fenêtre sur le monde, bien que fermée, les habitants du quartier et au-delà, ne l’ont pas oubliée. Derrière le rideau tiré, ce sont des femmes et des hommes, des vies, des emplois, à l’accueil, à la sécurité, en cabine, au bar, au micro devant l’écran, à la programmation, aux chiffres, à la direction… En décembre dernier, nous rencontrions le directeur du Louxor, Emmanuel Papillon (ici), dans une cantine du quartier, pour faire le point sur ces sept années à la tête de la salle de cinéma. Un entretien qui suscita de nombreuses réactions, des encouragements, et contexte oblige, se prolonge d’une question simple  « Comment allez vous ? ».

Aussi, pour répondre à chacun, pour maintenir le lien, à partir de ce qui nous avons en commun, l’amour du cinéma, le quartier, il a proposé à son équipe d’évoquer le point de départ de leur cinéphilie. Nous pensons à eux, nous vous livrons ici leurs réponses, Et nous vous invitons, à votre tour, à partager vos témoignages : « Et pour vous, comment a débuté votre amour du cinéma ? ». (Pour vos témoignages : contact[arrobase]paris-louxor.fr).  Prenez soin de vous et de ceux qui en ont besoin.

Cliquez sur le titre du film pour voir l’extrait vidéo choisi.

Antoine Pineau – agent d’accueil.
MONIKA – Ingmar Bergman

Je devais avoir 16 ans. C’était en pleine nuit, dans le lit de ma chambre d’adolescent. J’ai découvert le film en dvd sur mon ordinateur. C’est la première fois que j’ai pleuré devant un film. Cette nuit-là, j’ai compris que le cinéma aurait une place primordiale dans ma vie.

Axel Nouveau – pianiste, intervenant ciné-concert.
LA VIE EST BELLE – Roberto Begnini

La première scène qui me vient à l’esprit quand je pense à mes premiers émois cinématographiques c’est la scène finale de La vie est belle, quand le char américain vient sauver Giosué et qu’il pense avoir gagné le jeu imaginaire de son père.
J’ai vu le film à sa sortie en 1998 avec ma grande soeur, je ne sais plus trop où, je crois que c’était dans une petite salle parisienne mais mon souvenir est flou, je me rappelle en tous cas qu’on était tous les deux en larmes à la sortie.

Benjamin Gallet – agent d’accueil.
MULHOLLAND DRIVE – David Lynch

Vu à 16/17 ans, à sa sortie, au Katorza à Nantes. Souvenir de la fin du film : je trouve ça incroyable, je ne comprends rien, je ne veux surtout pas que ça s’arrête là, maintenant, je me répète en boucle « faut pas que ça s’arrête, faut pas que ça s’arrête » et là évidemment, noir, générique. C’est le film que j’ai le plus revu, je l’ai d’ailleurs revu deux fois (dont l’une en pellicule) au Louxor, et que je continue de trouver complètement fascinant.

Benjamin Louis – directeur technique.
DELICATESSEN - Jean-Pierre Jeunet et Marc Caro

Ça n’est pas le moment le plus poétique du film mais cette séquence de promiscuité dans un immeuble a le mérite d’être d’actualité en cette période de confinement … Je me souviens avoir vu ce film avec ma mère un peu au hasard des sorties en salle en 1991. Ses réalisateurs géniaux étaient encore méconnus à l’époque et nous étions très ignorants et sans a priori… La séance términée, nous avons emporté un peu de rêve dans le sombre escalier de la sortie et dehors nous avions le sentiment très enthousiaste d’avoir enfin vu quelque chose de neuf, une oeuvre d’art. Cette impression se confirmait en parlant du film devant un chocolat chaud… Un bon cinoche ! J’ai revu ce film si bien rythmé avec autant de plaisir et j’en constate à chaque fois l’harmonie. La cohérence de toutes ces idées pourtant exprimées simplement avec cette esthétique bizarre et si typique qui a été beaucoup plagié depuis. Un ovni, un poème cinématographique…

Camille Verry – assistante de programmation.
CHARADE – Stanley Donen

Vu pour la première fois à l’âge de 18-20 ans environ, un été, avec mes parents, dans une petite salle de cinéma parisienne de répertoire, mais je ne sais plus laquelle (Sûrement un « Action » de l’époque, Action Christine, ou Action Ecoles…). Et revu 4 ou 5 fois en DVD depuis… Film fondateur de ma passion pour la délicieuse, facétieuse et tellement classe Audrey Hepburn !

Charlotte Soubrane – projectionniste.
JOUR DE FÊTE – Jacques Tati

Je crois que c’est mon Papa qui m’a montré ce film à la télé quand j’étais petite et je l’ai revu plusieurs fois (mon cousin avait la cassette !). Je l’ai vu une seule fois dans un cinéma en 2013 ou 2014, mais je ne sais pas dans quelle salle (je sais juste que c’était à Paris).

Claire Vaudey – serveuse au bar du Louxor.
UN CONTE DE NOËL – Arnaud Desplechin

Quand je suis arrivée à Paris pour mes études, c’était le mois d’août et je ne connaissais absolument personne à part ma sœur qui habitait déjà sur Paris depuis quelques années. J’ai donc passé un mois dans un studio en attendant la rentrée au Beaux-Arts sans savoir trop quoi faire. Pour faire passer le temps ma sœur me donnait des DVD, c’était à un moment où, quand on achetait le journal Le Monde le dimanche, il y avait un DVD avec. Bref, il y avait plein de très bons films, mais pas forcément ceux qu’on a envie de voir à 20 ans quand on arrive dans une nouvelle ville… donc après StromboliAguirre la colère de Dieu, Allemagne année zéro… je suis tombée sur Desplechin, c’était génial, cynique et drôle, ouf !!

Emmanuel Papillon – directeur.
LA FIÈVRE DANS LE SANG – Elia Kazan

La scène finale de La fièvre dans le sang (Splendor in the grass) 1961. Elia Kazan. Je me souviens d’avoir vu le film en VHS avec un ami très cinéphile. Le film avait du être enregistré au cinéma de minuit, ciné-club de Patrick Brion (merci à lui pour son énorme contribution à ma cinéphilie). Je devais avoir l’âge de Natalie Wood et de Warren Beatty. Le film m’a touché profondément et encore aujourd’hui je ne peux pas voir cette scène finale sans une forte émotion. Tout est juste dans cette fin le découpage de Kazan, la musique, le dernier regard de Natalie Wood et ce cow-boy qui part à cheval. Nous sommes en 1961, le grand cinéma hollywoodien est en train de tourner la page.

« Though nothing can bring back the hour
Of splendour in the grass, of glory in the flower … »

Fabienne Duszynski – intervenante ciné-club.
DÉTOUR – Edgar G. Ulmer

C’était au tout début des années 90 – 1991 ou 1992, me semble-t-il. C’était un mardi soir à 21 heures – cela, j’en suis sûre parce qu’à cette époque le Métropole (cinéma de Lille où j’étais alors étudiante) montrait tous les mardis à 21h un film de répertoire. J’y allais systématiquement, sans même me donner la peine de consulter le programme que je ne découvrais qu’une fois sur place. Les « classiques » (j’ai découvert sur grand écran M le MauditCitizen Kane, des films de Fellini, Godard ou Antonioni) alternaient avec des raretés, exhumées au hasard des restaurations de copie. Je ne ratais rien. C’est dans ce cadre que j’ai découvert Détour d’Edgar G. Ulmer, un film de série B sorti en 1945, film noir réduit à son épure, brut, film fauché (j’apprendrais, bien plus tard, qu’il avait été réalisé en 7 jours – montage compris) qui oblige à l’intelligence de la mise en scène. Ce fut un coup de foudre, qui se mua en obsession ; je ne cessais, les jours suivants, les semaines suivantes, les mois suivants, de penser à ce film dont je vantais auprès de mes camarades cinéphiles la force et les singularités. Je fus, pendant longtemps, « la-seule-qui-avait-vu-ce-film-génial-qui-ne-passe-jamais-nulle-part » (c’était avant le DVD, et bien avant Internet).
On sent ici la pauvreté du budget de production, mais il suffit à Edgar G. Ulmer de rideaux autour d’une ébauche de scène, de quatre tables hantées par une dizaine de figurants pour nous faire croire au club de jazz new-yorkais où sont censées se dérouler les premières scènes du film. Pourtant, le réalisateur sait prendre le temps, un temps dont il ne dispose pas (il lui faut raconter une histoire en 1h et 8 minutes). Ainsi cette scène où le personnage principal, pianiste de jazz qui s’apprête à prendre la route pour y rencontrer des ennuis, détourne une valse de Johannes Brahms en un boogie-woogie endiablé, n’est d’aucune utilité narrative. Dans ce modeste morceau de bravoure se joue tout autre chose : à rebours des habitudes de représentation du pianiste au cinéma (l’acteur ou l’actrice mimant l’inspiration, la concentration), la mise en scène ici ne masque pas l’artifice (les mains du pianiste ne sont pas celles de l’acteur ; l’acteur ne fait pas semblant de jouer) mais l’utilise, par ce montage qui alterne plans des mains incroyablement agiles et plans du visage du personnage qui semble s’être réfugié en lui-même, comme absent à son propre jeu, incapable de se réjouir de sa propre dextérité. C’est cette tristesse du pianiste que Truffaut et Aznavour déclineront dans Tirez sur le pianiste.
Vous pouvez aussi voir ceci.

Françoise Lombardo – agent d’accueil.
ITINÉRAIRE D’UN ENFANT GÂTÉ – Claude Lelouch

Loan Charles – responsable du bar.
LITTLE BIG MAN – Arthur Penn

Je l’ai vu à la télévision, cela devait être en 1983 un mardi soir car il passait souvent des westerns à l’émission « Mardi cinéma » ou « La dernière séance ». Pour une fois les indiens n’étaient pas représentés comme des sauvages et c’est une grande fresque sur la conquête de l’Ouest Américain et sur la réflexion d’être partagé entre deux cultures. Ce film passe rarement à la télé et encore moins au cinéma. Pour l’époque c’était rare des films de 2h30.

Martin Bidou – programmateur.
LA RÈGLE DU JEU – Jean Renoir

C’est le film que j’ai le plus vu (je dirais 8 fois), et j’ai été subjugué par l’utilisation par Renoir de la profondeur de champs. A tel point qu’il m’arrive encore de découvrir des choses, idées de mise en scène ou bien aussi à propos des personnages secondaires auxquels on ne fait pas attention au début. J’en apprécie tous les personnages, à commencer par Octave bien sûr interprété par Renoir mais aussi Dalio qui interprète le rôle du marquis, ou encore Carette le braconnier pris en amitié par le marquis…. C’est d’abord une farce où les intrigues entraînent les maîtres, les domestiques et les invités dans des situations qui dépassent leur condition sociale; ainsi les convenances sont bousculées et la farce vire au drame. Le film devient comédie humaine ou chassés croisés amoureux, crises sentimentales, bouffonneries bousculent la règle du jeu instaurée par les rapports de classe. L’hypocrisie des conventions sociales explose alors et la tragédie n’est pas loin… La satire sociale est permanente. Renoir parlait de son film comme d’un « Drame gai » ou d’une « fantaisie dramatique ». Il a su saisir son époque, celle de 1939 veille de la 2nde guerre mondiale et l’insouciance générale avant le dénouement. La bande annonce – très amusante à revoir aujourd’hui – se termine par un carton d’accroche qui n’a pas suffit à protéger le film de la furie des critiques de l’époque: « UN FILM PAS COMME LES AUTRES ». C’est un film pas comme les autres et Renoir était probablement trop en avance sur son temps, tant du point du vue du sujet, de la narration, de la mise en scène. Il reste mon film de chevet.. que peux voir et revoir avec un plaisir constant.

Olivier Pasquier – directeur financier
RETOUR VERS LE FUTUR – Robert Zemeckis

Pourquoi ce film ? Parce que c’est le premier film que j’allais voir sans mes parents avec mon argent de poche et à partir de ce moment là j’allais une fois par mois au ciné avec l’argent que mes parents me donnaient.
C’était le premier mercredi de la sortie du film le 30/10/1985 à la séance de 14h au Gaumont Variétés à Angers (cinéma qui n’existe plus depuis) et en VF forcément….

Stéphanie Hanna – assistante de direction
L’HOMME QUI TUA LIBERTY VALANCE – John Ford

J’avais environ 20 ans, c’était au cinéma Utopia de Bordeaux et c’était encore du 35mm. En sortant, je dis à mon ami : il est incroyable cet acteur qui joue Tom Doniphon. Il me regarde de travers, mais aussi, il sourit. C’était la première fois que je voyais un film avec John Wayne. C’était aussi mon premier John Ford. J’ai dû le voir 5 fois ; la dernière, c’était il y a 1 semaine.

Victoire Bech – serveuse au bar du Louxor
LE PONT DES ARTS – Eugène Green
(minutage 1h17mn30s à 1h22mn25s ).

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